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Avant d'étuRECHERCHEZ DES ELEMENTS BIOGRAPHIQUES SUR SHAKESPEARE, ET DES ELEMENTS SUR LE THEATRE DE L'EPOQUE EN ANGLETERRE
Résumé :
-Romeo et Juliette de William Shakespeare.
Les personnages de Roméo et Juliette apparaissent pour la première fois dans une nouvelle italienne de Luigi da Porta (1485-1529) qui reprenait un sujet déjà développé dans un récit du Novellino de Masuccio de Salerne et traité ensuite par Matteo Bandello dans l'une de ses Nouvelles. Mais c'est la pièce de Shakespeare qui fit de Roméo et Juliette 2 personnages universels.
Résumé de la pièce de ShakespeareL'action se passe à Vérone où depuis des années, deux grandes familles, les Montaigu et les Capulet se vouent une haine inextinguible ( dont on ignore d'ailleurs les causes).
Roméo, fils et héritier de la famille Montaigu est amoureux de la belle Rosaline et ne craint pas d'affronter à ce sujet les facéties de ses amis Benvolio et Mercutio.
Capulet, le chef de la famille rivale s'apprête, lui, à donner une grande fête pour permettre à sa fille, Juliette, de rencontrer le Comte Paris. Ce dernier, en effet, l'a demandé en mariage et les parents de Juliette sont favorables à cette union.
Roméo croyant y trouver Rosaline s'invite avec ses amis Benvolio et Mercutio à ce grand bal masqué. Il aperçoit Juliette et reste médusé devant sa beauté. Il tombe follement amoureux d'elle; coup de foudre réciproque. Il s'approche d'elle et l'embrasse à deux reprises puis se retire. Roméo et Juliette parviennent à découvrir leur identité réciproque. Ils sont accablés de se rendre compte qu'ils sont chacun, tombés amoureux, de leur pire ennemi.
A la nuit tombée, Roméo se dissimule dans le jardin des Capulet. Puis il s'approche sous le balcon de Juliette et lui déclare son amour. Tous deux rivalisent de propos passionnés .
Eperdument amoureux, il se confie le lendemain au frère Laurent, son confesseur . Tout d'abord incrédule, frère Laurent promet à Roméo de lui venir en aide et d'arranger son mariage, avec en plus l'espoir de réconcilier les Capulet et les Montaigu.
Tybalt, cousin de Juliette, provoque Roméo en duel. Mais le jeune homme tout à son bonheur et plein d'une sympathie "fraternelle" refuse de se battre. Mercutio, le confident et ami de Roméo, courageux et brillant, s'empresse de le remplacer. Il se bat contre Tybalt. Celui-ci le blesse grièvement. Mercutio meurt en maudissant la querelle des deux familles ennemies. Roméo venge la mort de son ami et tue Tybalt. Roméo, banni, doit s'exiler.
Juliettte se lamente. Son père , inquiet de son chagrin, décide de hâter son mariage avec le comte Paris. Le mariage doit avoir lieu le lendemain. Juliette s'y refuse . Son père la menace : ou elle épouse le Comte, ou il la renie. Elle court chez le frère Laurent qui lui propose de boire un philtre pouvant lui donner l'apparence de la mort pendant quarante heures : la croyant morte, on l'enfermera dans le tombeau des Capulet . Frère Laurent viendra alors avec Roméo la délivrer. Le frère promet d'avertir Roméo du stratagème. Juliette accepte de lui obéir. Restée seule dans sa chambre, elle boit le philtre. Le lendemain matin, la nourrice la découvre inanimée. Toute la famille pleure la mort de Juliette. Frère Laurent s'arrange pour que tout se déroule suivant ses plans.
A Mantoue, Roméo reçoit la visite de Balthasar, son serviteur, qui lui annonce la mort de Juliette. Il n'a qu'une hâte : se procurer du poison et revenir à Vérone pour mourir aux côtés de Juliette. Pendant ce temps, Frère Laurent apprend qu'un contretemps n'a pas permis à son messager d'informer Roméo de ce stratagème. Il décide de se rendre devant le tombeau des Capulet pour libérer Juliette.
Roméo se rend sur la tombe de Juliette et y rencontre Paris venu apporter des fleurs à sa fiancée morte. Un duel a lieu entre les deux jeunes hommes et Paris, mourant, demande à Roméo de l'amener près de Juliette. Celui-ci accepte. Roméo contemple l'éclatante beauté de Juliette et l'embrasse avant de boire le poison et de mourir à son tour. Frère Laurent est horrifié de découvrir les corps de Roméo puis de Paris. Il assiste au réveil de Juliette et veut la convaincre de le suivre et d'aller se réfugier au couvent. Mais Juliette découvrant le corps de Roméo mort près d'elle se poignarde avec la dague de son amant et meurt à ses côtés.
Le prince, les Capulet, le vieux Montaigu se rendent au cimetière. Frère Laurent leur raconte la triste histoire des "amants de Vérone". Les deux pères accablés déplorent cette haine , cause de leurs malheurs. Ils se réconcilient sur le corps de leurs enfants et promettent de leur élever une statue d'or pur.
Ceci est à savoir pour pouvoir aborder la lecture de la pièce, dans laquelle nous aborderons plus précisément 3 extraits
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VOCABULAIRE DU THEATRE :
Acte (n. m.) : partie de la pièce qui marque les éléments importants de l'action. Traditionnellement, une pièce classique est composée de trois ou cinq actes divisés en scènes
Dialogue(n. m.) : échange entre deux personnages d’une pièce de théâtre.
Didascalie (n. f.) : indication scénique donnée par l'auteur pour guider le jeu du comédien. Souvent écrite en italique, elle peut préciser les gestes, les déplacements, les mimiques ou le ton du personnage.
Metteur en scène (n.f.) : il dirige la mise en scène, en respectant ou en s’éloignant du texte et des intentions initiales de l’auteur. Il prend souvent un parti-pris artistique, symbolique, voire idéologique.
Monologue(n. m.) : scène où un personnage est seul sur scène et où il se parle à lui-même (le véritable destinataire est en réalité le public), souvent pour annoncer un projet ou pour exprimer des idées ou des sentiments
Réplique (n. f.) : texte prononcé sans être interrompu par un même personnage au cours d'un dialogue.
Scène (n. f.) : division d'un acte entre l’entrée et la sortie d’un personnage.
Tirade (n. f.) : longue suite de phrases prononcées par un même personnage sans interruption.
Dénouement (n. m.) : il s’agit des dernières scènes d’une pièce de théâtre, là où l’intrigue se résout et où un ordre nouveau est institué.
Exposition (n. f.) : début de la pièce qui présente aux spectateurs les personnages principaux, le début de l’intrigue et donne la tonalité de la pièce. L’exposition peut s’étendre de la première scène à tout le premier acte.
Intrigue (n. f.) : suite de nœuds, d’événements et d’actions qui constituent une pièce de théâtre.
Aparté (n. m.) : paroles que le personnage dit à l’intention du public et que les autres personnages sur scène ne doivent pas entendre
Quiproquo (n. m.) : situation où un personnage commet une erreur en prenant une personne ou une chose pour une autre.
Monologue (n. m.) : discours qu’un personnage seul sur scène se tient à lui-même. Cela permet souvent de faire passer des émotions. Cela dit ce qui se passe dans sa tête.
Stichomythie (n. f.) : enchaînement de répliques très courtes de manière très rapide pour donner du dynamisme et de l’intensité à une scène. Elle marque souvent le conflit.
Bienséance (n. f.) : respect des règles théâtrales et morales afin de ne pas paraître vulgaire, choquant ou invraisemblable. Par exemple, on ne représente pas sur scène la sexualité, la violence ou encore la mort.
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Règle des trois unités (n. f.) : elle régit l’organisation d’une pièce de théâtre classique, principalement les tragédies mais Molière a copié ces règles pour ses comédies
« Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli.
Nicolas Boileau, Art Poétique, III, vers 44-46), 1674.
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Unité d'action (n. f.) : elle consiste à représenter une seule intrigue par pièce de théâtre.
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Unité de lieu (n. f.) : elle consiste à représenter l’intrigue d’une pièce de théâtre dans un seul et unique lieu.
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Unité de temps (n. f.) : elle consiste à faire dérouler l’ensemble de l’intrigue en une seule et unique journée.
Vraisemblance (n. f.) : caractère selon lequel ce qui est représenté sur scène est perçu comme une imitation de la réalité
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I :
Choeur avant la scène d'ouverture
Deux familles, égales en noblesse,
Dans la belle Vérone, où nous plaçons notre scène,
Sont entraînées par d’anciennes rancunes à des rixes nouvelles
Où le sang des citoyens souille les mains des citoyens.
Des entrailles prédestinées de ces deux ennemies
A pris naissance, sous des étoiles contraires, un couple d’amoureux
Dont la ruine néfaste et lamentable
Doit ensevelir dans leur tombe l’animosité de leurs parents.
Les terribles péripéties de leur fatal amour
Et les effets de la rage obstinée de ces familles,
Que peut seule apaiser la mort de leurs enfants,
Vont en deux heures être exposés sur notre scène.
Si vous daignez nous écouter patiemment,
Notre zèle s’efforcera de corriger notre insuffisance.
ACT IPROLOGUE Two households, both alike in dignity,
In fair Verona, where we lay our scene,
From ancient grudge break to new mutiny,
Where civil blood makes civil hands unclean.
From forth the fatal loins of these two foes
A pair of star-cross'd lovers take their life;
Whose misadventured piteous overthrows
Do with their death bury their parents' strife.
The fearful passage of their death-mark'd love,
And the continuance of their parents' rage,
Which, but their children's end, nought could remove,
Is now the two hours' traffic of our stage;
The which if you with patient ears attend,
What here shall miss, our toil shall strive to mend.
Questions :
quel est le type d'écrit en anglais (prose ou vers) ?
Quel est le style ?
A quoi s'attend le spectateur ?
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I,1 :
à propos de l'amour de Roméo pour Rosaline
ROMÉO
Elle l’a juré, et cette réserve produit une perte immense. En affamant une telle beauté par ses rigueurs, elle en déshérite toute la postérité. Elle est trop belle, trop sage, trop sagement belle, car elle mérite le ciel en faisant mon désespoir. Elle a juré de n’aimer jamais, et ce serment me tue en me laissant vivre, puisque c’est un vivant qui te parle.
BENVOLIO
Suis mon conseil : cesse de penser à elle.
ROMÉO
Oh ! apprends-moi comment je puis cesser de penser.
BENVOLIO
En rendant la liberté à tes yeux : examine d’autres beautés.
ROMÉO
Ce serait le moyen de rehausser encore ses grâces exquises. Les bienheureux masques qui baisent le front des belles ne servent, par leur noirceur, qu’à nous rappeler la blancheur qu’ils cachent. L’homme frappé de cécité ne saurait oublier le précieux trésor qu’il a perdu avec la vue. Montre-moi la plus charmante maîtresse : que sera pour moi sa beauté, sinon une page où je pourrai lire le nom d’une beauté plus charmante encore ? Adieu : tu ne saurais m’apprendre à oublier.
Question : que ressent Roméo ? Quel est son caractère ? Que pense son ami ?
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Avant d'étudier la scène du balcon, allez étudier la scène 8, plus loin, puis revenez
I, 7
Scène VII. Scène du balcon, extrait
Le jardin de Capulet. Sous les fenêtres de l’appartement de Juliette.
Entre Roméo.
ROMÉO
Il se rit des plaies, celui qui n’a jamais reçu de blessures ! (Apercevant Juliette qui apparaît à une fenêtre.) Mais doucement ! Quelle lumière jaillit par cette fenêtre ? Voilà l’Orient, et Juliette est le soleil ! Lève-toi, belle aurore, et tue la lune jalouse, qui déjà languit et pâlit de douleur parce que toi, sa prêtresse, tu es plus belle qu’elle-même ! Ne sois plus sa prêtresse, puisqu’elle est jalouse de toi ; sa livrée de vestale est maladive et blême, et les folles seules la portent : rejette-la !… Voilà ma dame ! Oh ! voilà mon amour ! Oh ! si elle pouvait le savoir !… Que dit-elle ? Rien… Elle se tait… Mais non ; son regard parle, et je veux lui répondre… Ce n’est pas à moi qu’elle s’adresse. Deux des plus belles étoiles du ciel, ayant affaire ailleurs, adjurent ses yeux de vouloir bien resplendir dans leur sphère jusqu’à ce qu’elles reviennent. Ah ! si les étoiles se substituaient à ses yeux, en même temps que ses yeux aux étoiles, le seul éclat de ses joues ferait pâlir la clarté des astres, comme le grand jour, une lampe ; et ses yeux, du haut du ciel, darderaient une telle lumière à travers les régions aériennes, que les oiseaux chanteraient, croyant que la nuit n’est plus. Voyez comme elle appuie sa joue sur sa main ! Oh ! que ne suis-je le gant de cette main ! Je toucherais sa joue !
JULIETTE
Hélas !
ROMÉO
Elle parle ! Oh ! parle encore, ange resplendissant ! Car tu rayonnes dans cette nuit, au-dessus de ma tête, comme le messager ailé du ciel, quand, aux yeux bouleversés des mortels qui se rejettent en arrière pour le contempler, il devance les nuées paresseuses et vogue sur le sein des airs !
JULIETTE
ô Roméo ! Roméo ! pourquoi es-tu Roméo ? Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m’aimer, et je ne serai plus une Capulet.
ROMÉO, à part
Dois-je l’écouter encore ou lui répondre ?
JULIETTE
Ton nom seul est mon ennemi. Tu n’es pas un Montague, tu es toi-même. Qu’est-ce qu’un Montague ? Ce n’est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage, ni rien qui fasse partie d’un homme… Oh ! sois quelque autre nom ! Qu’y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons une rose embaumerait autant sous un autre nom. Ainsi, quand Roméo ne s’appellerait plus Roméo, il conserverait encore les chères perfections qu’il possède… Roméo, renonce à ton nom ; et, à la place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi tout entière.
ROMÉO
Je te prends au mot ! Appelle-moi seulement ton amour et je reçois un nouveau baptême : désormais je ne suis plus Roméo.
JULIETTE
Quel homme es-tu, toi qui, ainsi caché par la nuit, viens de te heurter à mon secret ?
ROMÉO
Je ne sais par quel nom t’indiquer qui je suis. Mon nom, sainte chérie, m’est odieux à moi-même, parce qu’il est pour toi un ennemi : si je l’avais écrit là, j’en déchirerais les lettres.
JULIETTE
Mon oreille n’a pas encore aspiré cent paroles proférées par cette voix, et pourtant j’en reconnais le son. N’es-tu pas Roméo et un Montague ?
ROMÉO
Ni l’un ni l’autre, belle vierge, si tu détestes l’un et l’autre.
JULIETTE
Comment es-tu venu ici, dis-moi ? et dans quel but ? Les murs du jardin sont hauts et difficiles à gravir. Considère qui tu es : ce lieu est ta mort, si quelqu’un de mes parents te trouve ici.
ROMÉO
J’ai escaladé ces murs sur les ailes légères de l’amour : car les limites de pierre ne sauraient arrêter l’amour, et ce que l’amour peut faire, l’amour ose le tenter ; voilà pourquoi tes parents ne sont pas un obstacle pour moi.
JULIETTE
S’ils te voient, ils te tueront.
ROMÉO
Hélas ! il y a plus de péril pour moi dans ton regard que dans vingt de leurs épées : que ton œil me soit doux, et je suis à l’épreuve de leur inimitié.
JULIETTE
Je ne voudrais pas pour le monde entier qu’ils te vissent ici.
ROMÉO
J’ai le manteau de la nuit pour me soustraire à leur vue. D’ailleurs, si tu ne m’aimes pas, qu’ils me trouvent ici ! J’aime mieux ma vie finie par leur haine que ma mort différée sans ton amour.
JULIETTE
Quel guide as-tu donc eu pour arriver jusqu’ici ?
ROMÉO
L’amour, qui le premier m’a suggéré d’y venir : il m’a prêté son esprit et je lui ai prêté mes yeux. Je ne suis pas un pilote ; mais, quand tu serais à la même distance que la vaste plage baignée par la mer la plus lointaine, je risquerais la traversée pour une denrée pareille.
JULIETTE
Tu sais que le masque de la nuit est sur mon visage ; sans cela, tu verrais une virginale couleur colorer ma joue, quand je songe aux paroles que tu m’as entendue dire cette nuit. Ah ! je voudrais rester dans les convenances ; je voudrais, je voudrais nier ce que j’ai dit. Mais adieu, les cérémonies ! M’aimes-tu ? Je sais que tu vas dire oui, et je te croirai sur parole. Ne le jure pas : tu pourrais trahir ton serment : les parjures des amoureux font, dit-on, rire Jupiter… Oh ! gentil Roméo, si tu m’aimes, proclame-le loyalement : et si tu crois que je me laisse trop vite gagner je froncerai le sourcil, et je serai cruelle, et je te dirai non, pour que tu me fasses la cour : autrement, rien au monde ne m’y déciderait… En vérité, beau Montague, je suis trop éprise, et tu pourrais croire ma conduite légère ; mais crois-moi, gentilhomme, je me montrerai plus fidèle que celles qui savent mieux affecter la réserve. J’aurais été plus réservée, il faut que je l’avoue, si tu n’avais pas surpris, à mon insu, l’aveu passionné de mon amour : pardonne-moi donc et n’impute pas à une légèreté d’amour cette faiblesse que la nuit noire t’a permis de découvrir.
ROMÉO
Madame, je jure par cette lune sacrée qui argente toutes ces cimes chargées de fruits !…
JULIETTE
Oh ! ne jure pas par la lune, l’inconstante lune dont le disque change chaque mois, de peur que ton amour ne devienne aussi variable !
ROMÉO
Par quoi dois-je jurer ?
JULIETTE
Ne jure pas du tout ; ou, si tu le veux, jure par ton gracieux être, qui est le dieu de mon idolâtrie, et je te croirai.
ROMÉO
Si l’amour profond de mon cœur…
JULIETTE
Ah ! ne jure pas ! Quoique tu fasses ma joie, je ne puis goûter cette nuit toutes les joies de notre rapprochement ; il est trop brusque, trop imprévu, trop subit, trop semblable à l’éclair qui a cessé d’être avant qu’on ait pu dire : il brille !… Doux ami, bonne nuit ! Ce bouton d’amour, mûri par l’haleine de l’été, pourra devenir une belle fleur, à notre prochaine entrevue… Bonne nuit, bonne nuit ! Puisse le repos, puisse le calme délicieux qui est dans mon sein, arriver à ton cœur !
ROMÉO
Oh ! vas-tu donc me laisser si peu satisfait ?
JULIETTE
Quelle satisfaction peux-tu obtenir cette nuit ?
ROMÉO
Le solennel échange de ton amour contre le mien.
JULIETTE
Mon amour ! je te l’ai donné avant que tu l’aies demandé. Et pourtant je voudrais qu’il fût encore à donner.
ROMÉO
Voudrais-tu me le retirer ? Et pour quelle raison, mon amour ?
JULIETTE
Rien que pour être généreuse et te le donner encore. Mais je désire un bonheur que j’ai déjà : ma libéralité est aussi illimitée que la mer, et mon amour aussi profond : plus je te donne, plus il me reste, car l’une et l’autre sont infinis. (On entend la voix de la nourrice.) J’entends du bruit dans la maison. Cher amour, adieu ! J’y vais, bonne nourrice !… Doux Montague, sois fidèle. Attends un moment, je vais revenir (Elle se retire de la fenêtre.)
ROMÉO
Ô céleste, céleste nuit ! J’ai peur, comme il fait nuit, que tout ceci ne soit qu’un rêve, trop délicieusement flatteur pour être réel.
Juliette revient.
JULIETTE
Trois mots encore, cher Roméo, et bonne nuit, cette fois ! Si l’intention de ton amour est honorable, si ton but est le mariage, fais-moi savoir demain, par la personne que je ferai parvenir jusqu’à toi, en quel lieu et à quel moment tu veux accomplir la cérémonie, et alors je déposerai à tes pieds toutes mes destinées, et je te suivrai, monseigneur, jusqu’au bout du monde !
LA NOURRICE, derrière le théâtre
Madame !
JULIETTE
J’y vais ! tout à l’heure ! Mais si ton arrière-pensée n’est pas bonne, je te conjure…
LA NOURRICE, derrière le théâtre
Madame !
JULIETTE
À l’instant ! J’y vais !…, de cesser tes instances et de me laisser à ma douleur.. J’enverrai demain.
ROMÉO
Par le salut de mon âme…
JULIETTE
Mille fois bonne nuit ! (Elle quitte la fenêtre.)
ROMÉO
La nuit ne peut qu’empirer mille fois, dès que ta lumière lui manque… (Se retirant à pas lents.) L’amour court vers l’amour comme l’écolier hors de la classe ; mais il s’en éloigne avec l’air accablé de l’enfant qui rentre à l’école.
Juliette reparaît à la fenêtre.
JULIETTE
Stt ! Roméo ! Stt !… Oh ! que n’ai-je la voix du fauconnier pour réclamer mon noble tiercelet ! Mais la captivité est enrouée et ne peut parler ha ut : sans quoi j’ébranlerais la caverne où Écho dort, et sa voix aérienne serait bientôt plus enrouée que la mienne, tant je lui ferais répéter le nom de mon Roméo !
ROMÉO, revenant sur ses pas. - C’est mon âme qui me rappelle par mon nom ! Quels sons argentins a dans la nuit la voix de la bien-aimée ! Quelle suave musique pour l’oreille attentive !
JULIETTE
Roméo !
ROMÉO
Ma mie ?
LA NOURRICE, derrière le théâtre
Madame !
JULIETTE
À quelle heure, demain, enverrai-je vers toi ?
ROMÉO
À neuf heures.
JULIETTE
Je n’y manquerai pas ! il y a vingt ans d’ici là. J’ai oublié pourquoi je t’ai rappelé.
ROMÉO
Laisse-moi rester ici jusqu’à ce que tu t’en souviennes.
JULIETTE
Je l’oublierai, pour que tu restes là toujours, me rappelant seulement combien j’aime ta compagnie.
ROMÉO
Et je resterai là pour que tu l’oublies toujours, oubliant moi-même que ma demeure est ailleurs.
JULIETTE
Il est presque jour. Je voudrais que tu fusses parti, mais sans t’éloigner plus que l’oiseau familier d’une joueuse enfant : elle le laisse voleter un pe u hors de sa main, pauvre prisonnier embarrassé de liens, et vite elle le ramène en tirant le fil de soie, tant elle est tendrement jalouse de sa liberté !
ROMÉO
Je voudrais être ton oiseau !
JULIETTE
Ami, je le voudrais aussi ; mais je te tuerais à force de caresses. Bonne nuit ! bonne nuit ! Si douce est la tristesse de nos adieux que je te dirais : bonne nuit ! jusqu’à ce qu’il soit jour (Elle se retire.)
ROMÉO, seul. - Que le sommeil se fixe sur tes yeux et la paix dans ton cœur ! Je voudrais être le sommeil et la paix, pour reposer si délicieusement ! Je vais de ce pas à la cellule de mon père spirituel, pour implorer son aide et lui conter mon bonheur. (Il sort.)
questions :
- résumez les arguments de chacun rapidement
- quelles sont les figures de style et expliquez-les (que portent-elles?)
- quelle est l'intention de Roméo et Juliette ?
-que remarquez-cous à propos de la traduction :
ROMEO
He jests at scars that never felt a wound.
JULIET appears above at a window
But, soft! what light through yonder window breaks?
It is the east, and Juliet is the sun.
Arise, fair sun, and kill the envious moon,
Who is already sick and pale with grief,
That thou her maid art far more fair than she:
Be not her maid, since she is envious;
Her vestal livery is but sick and green
And none but fools do wear it; cast it off.
It is my lady, O, it is my love!
O, that she knew she were!
She speaks yet she says nothing: what of that?
Her eye discourses; I will answer it.
I am too bold, 'tis not to me she speaks:
Two of the fairest stars in all the heaven,
Having some business, do entreat her eyes
To twinkle in their spheres till they return.
What if her eyes were there, they in her head?
The brightness of her cheek would shame those stars,
As daylight doth a lamp; her eyes in heaven
Would through the airy region stream so bright
That birds would sing and think it were not night.
See, how she leans her cheek upon her hand!
O, that I were a glove upon that hand,
That I might touch that cheek!
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Scène 8 : (extrait)
LAURENCE
Bénédictine ! Quelle voix matinale me salue si doucement ? Jeune fils, c’est signe de quelque désordre d’esprit, quand on dit adieu si tôt à son lit. Le souci fait le guet dans les yeux du vieillard, et le sommeil n’entre jamais où loge le souci. Mais là où la jeunesse ingambe repose, le cerveau dégagé, là règne le sommeil d’or. Je conclus donc de ta visite matinale que quelque grave perturbation t’a mis sur pied. Si cela n’est pas, je devine que notre Roméo ne s’est pas couché cette nuit.
ROMÉO
Cette dernière conjecture est la vraie ; mais mon repos n’en a été que plus doux.
LAURENCE
Dieu pardonne au pécheur ! Étais-tu donc avec Rosaline ?
ROMÉO
Avec Rosaline ! Oh non, mon père spirituel : j’ai oublié ce nom, et tous les maux attachés à ce nom.
LAURENCE
Voilà un bon fils… Mais où as-tu été alors ?
ROMÉO
Je vais te le dire et t’épargner de nouvelles questions. Je me suis trouvé à la même fête que mon ennemi : tout à coup cet ennemi m’a blessé, et je l’ai blessé à mon tour : notre guérison à tous deux dépend de tes secours et de ton ministère sacré. Tu le vois, saint homme, je n’ai pas de haine ; car j’intercède pour mon adversaire comme pour moi.
LAURENCE
Parle clairement, mon cher fils, et explique-toi sans détour : une confession équivoque n’obtient qu’une absolution équivoque.
ROMÉO
Apprends-le donc tout net, j’aime d’un amour profond la fille charmante du riche Capulet. Elle a fixé mon cœur comme j’ai fixé le sien ; pour que notre union soit complète, il ne nous manque que d’être unis par toi dans le saint mariage. Quand, où et comment nous nous sommes vus, aimés et fiancés, je te le dirai chemin faisant ; mais, avant tout, je t’en prie, consens à nous marier aujourd’hui même.
LAURENCE
Par saint François ! quel changement ! Cette Rosaline que tu aimais tant, est-elle donc si vite délaissée ? Ah ! l’amour des jeunes gens n’est pas vraiment dans le cœur, il n’est que dans les yeux. Jésus Maria ! Que de larmes pour Rosaline ont inondé tes joues blêmes ! Que d’eau salée prodiguée en pure perte pour assaisonner un amour qui n’en garde pas même l’arrière-goût ! Le soleil n’a pas encore dissipé tes soupirs dans le ciel : tes gémissements passés tintent encore à mes vieilles oreilles. Tiens, il y a encore là, sur ta joue, la trace d’une ancienne larme, non essuyée encore ! Si alors tu étais bien toi-même, si ces douleurs étaient bien les tiennes, toi et tes douleurs vous étiez tout à Rosaline ; et te voilà déjà changé ! Prononce donc avec moi cette sentence : Les femmes peuvent faillir, quand les hommes ont si peu de force.
- que pensent en général les gens de Roméo et Juliette ?
- Que pense Frère Laurence dans cette scène ? Soulignez la phrase (ou quelques unes) qui indiquent
- quelle est la phrase clef dans cette scène, c'est-à-dire la phrase qui permettrait de donner un éclairage à toute la pièce?
- cela correspond-il à ce que pensent les gens de cette pièce ? Que pensez-vous ?
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Dernier acte, Scène 24 : extrait
(Roméo est revenu et ignore que Juliette a ingéré une drogue qui simule la mort mais qui l'a juste mise dans une sorte de coma qui va cesser. Il tue Paris et se suicide, pensant que Juliette est morte.
LE PAGE
Ô ciel ! ils se battent : je vais appeler le guet. (Il sort en courant.)
PARIS, tombant
Oh ! je suis tué !… Si tu es généreux, ouvre le tombeau et dépose-moi près de Juliette. (Il expire.)
ROMÉO
Sur ma foi, je le ferai. (Se penchant sur le cadavre.) Examinons cette figure : un parent de Mercutio, le noble comte Paris ! Que m’a donc dit mon valet ? Mon âme, bouleversée, n’y a pas fait attention… Nous étions à cheval… Il me contait, je crois, que Paris devait épouser Juliette. M’a-t-il dit cela, ou l’ai-je rêvé ? Ou, en l’entendant parler de Juliette, ai-je eu la folie de m’imaginer cela ? (Prenant le cadavre par le bras.) Oh ! donne-moi ta main, toi que l’âpre adversité a inscrit comme moi sur son livre ! Je vais t’ensevelir dans un tombeau triomphal… Un tombeau ? oh ! non, jeune victime, c’est un Louvre splendide, car Juliette y repose, et sa beauté fait de ce caveau une salle de fête illuminée. (Il dépose Paris dans le monument.) Mort, repose ici, enterré par un mort. Que de fois les hommes à l’agonie ont eu un accès de joie, un éclair avant la mort, comme disent ceux qui les soignent… Ah ! comment comparer ceci à un éclair ? (Contemplant le corps de Juliette.) Mon amour ! ma femme ! La mort qui a sucé le miel de ton haleine n’a pas encore eu de pouvoir sur ta beauté : elle ne t’a pas conquise ; la flamme de la beauté est encore toute cramoisie sur tes lèvres et sur tes joues, et le pâle drapeau de la mort n’est pas encore déployé là… (Allant à un autre cercueil.) Tybalt ! te voilà donc couché dans ton linceul sanglant ! Oh ! que puis-je faire de plus pour toi ? De cette même main qui faucha ta jeunesse, je vais abattre celle de ton ennemi. Pardonne-moi, cousin. (Revenant sur ses pas.) Ah ! chère Juliette, pourquoi es-tu si belle encore ? Dois-je croire que le spectre de la Mort est amoureux et que l’affreux monstre décharné te garde ici dans les ténèbres pour te posséder ?… Horreur ! Je veux rester près de toi, et ne plus sortir de ce sinistre palais de la nuit ; ici, ici, je veux rester avec ta chambrière, la vermine ! Oh ! c’est ici que je veux fixer mon éternelle demeure et soustraire au joug des étoiles ennemies cette chair lasse du monde… (Tenant le corps embrassé.) Un dernier regard, mes yeux ! bras, une dernière étreinte ! et vous, lèvres, vous, portes de l’haleine, scellez par un baiser légitime un pacte indéfini avec le sépulcre accapareur ! (Saisissant la fiole.) Viens, amer conducteur, viens, âcre guide. Pilote désespéré, vite ! lance sur les brisants ma barque épuisée par la tourmente ! À ma bien-aimée ! (Il boit le poison.) Oh ! l’apothicaire ne m’a pas trompé : ses drogues sont actives… Je meurs ainsi… sur un baiser ! (Il expire en embrassant Juliette.)
Frère Laurence paraît à l’autre extrémité du cimetière, avec une lanterne, un levier et une bêche.(…)
(Juliette sort de son coma)
JULIETTE
Ô frère charitable, où est mon seigneur ? Je me rappelle bien en quel lieu je dois être : m’y voici… Mais où est Roméo ? (Rumeur au loin. )
LAURENCE
J’entends du bruit… Ma fille, quitte ce nid de mort, de contagion, de sommeil contre nature. Un pouvoir au-dessus de nos contradictions a déconcerté nos plans. Viens, viens, partons ! Ton mari est là gisant sur ton sein, et voici Paris. Viens, je te placerai dans une communauté de saintes religieuses ; pas de questions ! le guet arrive… Allons, viens, chère Juliette. (La rumeur se rapproche.) Je n’ose rester plus longtemps. (Il sort du tombeau et disparaît.)
JULIETTE
Va, sors d’ici, car je ne m’en irai pas, moi. Qu’est ceci ? Une coupe qu’étreint la main de mon bien-aimé ? C’est le poison, je le vois, qui a causé sa fin prématurée. L’égoïste ! il a tout bu ! il n’a pas laissé une goutte amie pour m’aider à le rejoindre ! Je veux baiser tes lèvres : peut-être y trouverai-je un reste de poison dont le baume me fera mourir… (Elle l’embrasse. ) Tes lèvres sont chaudes !
PREMIER GARDE, derrière le théâtre
Conduis-nous, page… De quel côté ?
JULIETTE
Oui, du bruit ! Hâtons-nous donc ! (Saisissant le poignard de Roméo.) Ô heureux poignard ! voici ton fourreau… (Elle se frappe.) Rouille-toi là et laisse-moi mourir ! (Elle tombe sur le corps de Roméo et expire.)
(…)
LAURENCE
Je serai bref, car le peu de souffle qui me reste ne suffirait pas à un récit prolixe. Roméo, ici gisant, était l’époux de Juliette ; et Juliette, ici gisante, était la femme fidèle de Roméo. Je les avais mariés : le jour de leur mariage secret fut le dernier jour de Tybalt, dont la mort prématurée proscrivit de cette cité le nouvel époux. C’était lui, et non Tybalt, que pleurait Juliette. (À Capulet.) Vous, pour chasser la douleur qui assiégeait votre fille, vous l’aviez fiancée, et vous vouliez la marier de force au comte Paris. Sur ce, elle est venue à moi, et, d’un air effaré, m’a dit de trouver un moyen pour la soustraire à ce second mariage ; sinon, elle voulait se tuer là, dans ma cellule. Alors, sur la foi de mon art, je lui ai remis un narcotique qui a agi, comme je m’y attendais, en lui donnant l’apparence de la mort. Cependant j’ai écrit à Roméo d’arriver dès cette nuit fatale, pour aider Juliette à sortir de sa tombe empruntée, au moment où l’effet du breuvage cesserait. Mais celui qui était chargé de ma lettre, Frère Jean, a été retenu par un accident, et me l’a rapportée hier soir. Alors tout seul, à l’heure fixée d’avance pour le réveil de Juliette, je me suis rendu au caveau des Capulets, dans l’intention de l’emmener et de la recueillir dans ma cellule jusqu’à ce qu’il me fût possible de prévenir Roméo. Mais quand je suis arrivé quelques minutes avant le moment de son réveil, j’ai trouvé ici le noble Paris et le fidèle Roméo prématurément couchés dans le sépulcre. Elle s’éveille, je la conjure de partir et de supporter ce coup du ciel avec patience… Aussitôt un bruit alarmant me chasse de la tombe ; Juliette, désespérée, refuse de me suivre et c’est sans doute alors qu’elle s’est fait violence à elle-même. Voilà tout ce que je sais. La nourrice était dans le secret de ce mariage. Si dans tout ceci quelque malheur est arrivé par ma faute, que ma vieille vie soit sacrifiée, quelques heures avant son épuisement, à la rigueur des lois les plus sévères.
- Pour chaque personnage, essayez de dire quelles sont ses pensées et pourquoi il agit comme il agit.
- Commentez le style (figures de style, procédés d'écriture, vocabulaire) pour les passages que vous trouvez les plus frappants.
- Pourquoi Frère Laurence fait-il un résumé juste avant la fin ?
UN PEU DE CULTURE :
L'histoire de Roméo et Juliette est inspirée d'une histoire de l'antiquité gréco romaine, celle de Pyrame et Thisbé. Thisbé est une jeune fille, Pyrame un jeune homme, ils vivent à Babylone. Le poète latin Ovide nous raconte leur histoire dans son oeuvre poétique les Métamorphoses :
Ils s'aiment mais leurs familles sont ennemies et refusent qu'ils se voient. Ils parviennent donc à se donner rendez-vous une nuit en dehors de la ville pour que personne ne les voie, près d'un mûrier (à cette époque, les mûres étaient blanches). La nuit venue, Thisbé arrive sur place et prend peur car une lionne arrive, elle vient de dévorer une proie et a la gueule ensanglantée. Thisbé s'enfuit dans une grotte proche pour se mettre en sécurité et n'ose plus en sortir, mais son écharpe s'est accrochée aux épines du mûrier et la lionne s'en approche, laissant des traces de sang sur le tissu. Quelques minutes plus tard, Pyrame arrive, et voir cette écharpe ensanglantée, et conclut que Thisbé a été dévorée par un animal sauvage. Il se suicide donc en se poignardant. Thisbé finit par retrouver le courage de revenir, et trouve son amoureux mort, elle saisit donc le poignard et se suicide aussi pour le rejoindre dans la mort. Les racines du mûrier se nourrissent de ce sang répandu et ses fruits deviennent rouges. Les parents furent si tristes qu'ils se réconcilièrent et décidèrent de réunir dans la même urne les cendres des deux amoureux. En souvenir d'eux, deux fleuves portent leur nom.
Résumé :
-Romeo et Juliette de William Shakespeare.
Les personnages de Roméo et Juliette apparaissent pour la première fois dans une nouvelle italienne de Luigi da Porta (1485-1529) qui reprenait un sujet déjà développé dans un récit du Novellino de Masuccio de Salerne et traité ensuite par Matteo Bandello dans l'une de ses Nouvelles. Mais c'est la pièce de Shakespeare qui fit de Roméo et Juliette 2 personnages universels.
Résumé de la pièce de ShakespeareL'action se passe à Vérone où depuis des années, deux grandes familles, les Montaigu et les Capulet se vouent une haine inextinguible ( dont on ignore d'ailleurs les causes).
Roméo, fils et héritier de la famille Montaigu est amoureux de la belle Rosaline et ne craint pas d'affronter à ce sujet les facéties de ses amis Benvolio et Mercutio.
Capulet, le chef de la famille rivale s'apprête, lui, à donner une grande fête pour permettre à sa fille, Juliette, de rencontrer le Comte Paris. Ce dernier, en effet, l'a demandé en mariage et les parents de Juliette sont favorables à cette union.
Roméo croyant y trouver Rosaline s'invite avec ses amis Benvolio et Mercutio à ce grand bal masqué. Il aperçoit Juliette et reste médusé devant sa beauté. Il tombe follement amoureux d'elle; coup de foudre réciproque. Il s'approche d'elle et l'embrasse à deux reprises puis se retire. Roméo et Juliette parviennent à découvrir leur identité réciproque. Ils sont accablés de se rendre compte qu'ils sont chacun, tombés amoureux, de leur pire ennemi.
A la nuit tombée, Roméo se dissimule dans le jardin des Capulet. Puis il s'approche sous le balcon de Juliette et lui déclare son amour. Tous deux rivalisent de propos passionnés .
Eperdument amoureux, il se confie le lendemain au frère Laurent, son confesseur . Tout d'abord incrédule, frère Laurent promet à Roméo de lui venir en aide et d'arranger son mariage, avec en plus l'espoir de réconcilier les Capulet et les Montaigu.
Tybalt, cousin de Juliette, provoque Roméo en duel. Mais le jeune homme tout à son bonheur et plein d'une sympathie "fraternelle" refuse de se battre. Mercutio, le confident et ami de Roméo, courageux et brillant, s'empresse de le remplacer. Il se bat contre Tybalt. Celui-ci le blesse grièvement. Mercutio meurt en maudissant la querelle des deux familles ennemies. Roméo venge la mort de son ami et tue Tybalt. Roméo, banni, doit s'exiler.
Juliettte se lamente. Son père , inquiet de son chagrin, décide de hâter son mariage avec le comte Paris. Le mariage doit avoir lieu le lendemain. Juliette s'y refuse . Son père la menace : ou elle épouse le Comte, ou il la renie. Elle court chez le frère Laurent qui lui propose de boire un philtre pouvant lui donner l'apparence de la mort pendant quarante heures : la croyant morte, on l'enfermera dans le tombeau des Capulet . Frère Laurent viendra alors avec Roméo la délivrer. Le frère promet d'avertir Roméo du stratagème. Juliette accepte de lui obéir. Restée seule dans sa chambre, elle boit le philtre. Le lendemain matin, la nourrice la découvre inanimée. Toute la famille pleure la mort de Juliette. Frère Laurent s'arrange pour que tout se déroule suivant ses plans.
A Mantoue, Roméo reçoit la visite de Balthasar, son serviteur, qui lui annonce la mort de Juliette. Il n'a qu'une hâte : se procurer du poison et revenir à Vérone pour mourir aux côtés de Juliette. Pendant ce temps, Frère Laurent apprend qu'un contretemps n'a pas permis à son messager d'informer Roméo de ce stratagème. Il décide de se rendre devant le tombeau des Capulet pour libérer Juliette.
Roméo se rend sur la tombe de Juliette et y rencontre Paris venu apporter des fleurs à sa fiancée morte. Un duel a lieu entre les deux jeunes hommes et Paris, mourant, demande à Roméo de l'amener près de Juliette. Celui-ci accepte. Roméo contemple l'éclatante beauté de Juliette et l'embrasse avant de boire le poison et de mourir à son tour. Frère Laurent est horrifié de découvrir les corps de Roméo puis de Paris. Il assiste au réveil de Juliette et veut la convaincre de le suivre et d'aller se réfugier au couvent. Mais Juliette découvrant le corps de Roméo mort près d'elle se poignarde avec la dague de son amant et meurt à ses côtés.
Le prince, les Capulet, le vieux Montaigu se rendent au cimetière. Frère Laurent leur raconte la triste histoire des "amants de Vérone". Les deux pères accablés déplorent cette haine , cause de leurs malheurs. Ils se réconcilient sur le corps de leurs enfants et promettent de leur élever une statue d'or pur.
Ceci est à savoir pour pouvoir aborder la lecture de la pièce, dans laquelle nous aborderons plus précisément 3 extraits
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VOCABULAIRE DU THEATRE :
Acte (n. m.) : partie de la pièce qui marque les éléments importants de l'action. Traditionnellement, une pièce classique est composée de trois ou cinq actes divisés en scènes
Dialogue(n. m.) : échange entre deux personnages d’une pièce de théâtre.
Didascalie (n. f.) : indication scénique donnée par l'auteur pour guider le jeu du comédien. Souvent écrite en italique, elle peut préciser les gestes, les déplacements, les mimiques ou le ton du personnage.
Metteur en scène (n.f.) : il dirige la mise en scène, en respectant ou en s’éloignant du texte et des intentions initiales de l’auteur. Il prend souvent un parti-pris artistique, symbolique, voire idéologique.
Monologue(n. m.) : scène où un personnage est seul sur scène et où il se parle à lui-même (le véritable destinataire est en réalité le public), souvent pour annoncer un projet ou pour exprimer des idées ou des sentiments
Réplique (n. f.) : texte prononcé sans être interrompu par un même personnage au cours d'un dialogue.
Scène (n. f.) : division d'un acte entre l’entrée et la sortie d’un personnage.
Tirade (n. f.) : longue suite de phrases prononcées par un même personnage sans interruption.
Dénouement (n. m.) : il s’agit des dernières scènes d’une pièce de théâtre, là où l’intrigue se résout et où un ordre nouveau est institué.
Exposition (n. f.) : début de la pièce qui présente aux spectateurs les personnages principaux, le début de l’intrigue et donne la tonalité de la pièce. L’exposition peut s’étendre de la première scène à tout le premier acte.
Intrigue (n. f.) : suite de nœuds, d’événements et d’actions qui constituent une pièce de théâtre.
Aparté (n. m.) : paroles que le personnage dit à l’intention du public et que les autres personnages sur scène ne doivent pas entendre
Quiproquo (n. m.) : situation où un personnage commet une erreur en prenant une personne ou une chose pour une autre.
Monologue (n. m.) : discours qu’un personnage seul sur scène se tient à lui-même. Cela permet souvent de faire passer des émotions. Cela dit ce qui se passe dans sa tête.
Stichomythie (n. f.) : enchaînement de répliques très courtes de manière très rapide pour donner du dynamisme et de l’intensité à une scène. Elle marque souvent le conflit.
Bienséance (n. f.) : respect des règles théâtrales et morales afin de ne pas paraître vulgaire, choquant ou invraisemblable. Par exemple, on ne représente pas sur scène la sexualité, la violence ou encore la mort.
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Règle des trois unités (n. f.) : elle régit l’organisation d’une pièce de théâtre classique, principalement les tragédies mais Molière a copié ces règles pour ses comédies
« Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli.
Nicolas Boileau, Art Poétique, III, vers 44-46), 1674.
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Unité d'action (n. f.) : elle consiste à représenter une seule intrigue par pièce de théâtre.
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Unité de lieu (n. f.) : elle consiste à représenter l’intrigue d’une pièce de théâtre dans un seul et unique lieu.
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Unité de temps (n. f.) : elle consiste à faire dérouler l’ensemble de l’intrigue en une seule et unique journée.
Vraisemblance (n. f.) : caractère selon lequel ce qui est représenté sur scène est perçu comme une imitation de la réalité
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I :
Choeur avant la scène d'ouverture
Deux familles, égales en noblesse,
Dans la belle Vérone, où nous plaçons notre scène,
Sont entraînées par d’anciennes rancunes à des rixes nouvelles
Où le sang des citoyens souille les mains des citoyens.
Des entrailles prédestinées de ces deux ennemies
A pris naissance, sous des étoiles contraires, un couple d’amoureux
Dont la ruine néfaste et lamentable
Doit ensevelir dans leur tombe l’animosité de leurs parents.
Les terribles péripéties de leur fatal amour
Et les effets de la rage obstinée de ces familles,
Que peut seule apaiser la mort de leurs enfants,
Vont en deux heures être exposés sur notre scène.
Si vous daignez nous écouter patiemment,
Notre zèle s’efforcera de corriger notre insuffisance.
ACT IPROLOGUE Two households, both alike in dignity,
In fair Verona, where we lay our scene,
From ancient grudge break to new mutiny,
Where civil blood makes civil hands unclean.
From forth the fatal loins of these two foes
A pair of star-cross'd lovers take their life;
Whose misadventured piteous overthrows
Do with their death bury their parents' strife.
The fearful passage of their death-mark'd love,
And the continuance of their parents' rage,
Which, but their children's end, nought could remove,
Is now the two hours' traffic of our stage;
The which if you with patient ears attend,
What here shall miss, our toil shall strive to mend.
Questions :
quel est le type d'écrit en anglais (prose ou vers) ?
Quel est le style ?
A quoi s'attend le spectateur ?
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I,1 :
à propos de l'amour de Roméo pour Rosaline
ROMÉO
Elle l’a juré, et cette réserve produit une perte immense. En affamant une telle beauté par ses rigueurs, elle en déshérite toute la postérité. Elle est trop belle, trop sage, trop sagement belle, car elle mérite le ciel en faisant mon désespoir. Elle a juré de n’aimer jamais, et ce serment me tue en me laissant vivre, puisque c’est un vivant qui te parle.
BENVOLIO
Suis mon conseil : cesse de penser à elle.
ROMÉO
Oh ! apprends-moi comment je puis cesser de penser.
BENVOLIO
En rendant la liberté à tes yeux : examine d’autres beautés.
ROMÉO
Ce serait le moyen de rehausser encore ses grâces exquises. Les bienheureux masques qui baisent le front des belles ne servent, par leur noirceur, qu’à nous rappeler la blancheur qu’ils cachent. L’homme frappé de cécité ne saurait oublier le précieux trésor qu’il a perdu avec la vue. Montre-moi la plus charmante maîtresse : que sera pour moi sa beauté, sinon une page où je pourrai lire le nom d’une beauté plus charmante encore ? Adieu : tu ne saurais m’apprendre à oublier.
Question : que ressent Roméo ? Quel est son caractère ? Que pense son ami ?
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Avant d'étudier la scène du balcon, allez étudier la scène 8, plus loin, puis revenez
I, 7
Scène VII. Scène du balcon, extrait
Le jardin de Capulet. Sous les fenêtres de l’appartement de Juliette.
Entre Roméo.
ROMÉO
Il se rit des plaies, celui qui n’a jamais reçu de blessures ! (Apercevant Juliette qui apparaît à une fenêtre.) Mais doucement ! Quelle lumière jaillit par cette fenêtre ? Voilà l’Orient, et Juliette est le soleil ! Lève-toi, belle aurore, et tue la lune jalouse, qui déjà languit et pâlit de douleur parce que toi, sa prêtresse, tu es plus belle qu’elle-même ! Ne sois plus sa prêtresse, puisqu’elle est jalouse de toi ; sa livrée de vestale est maladive et blême, et les folles seules la portent : rejette-la !… Voilà ma dame ! Oh ! voilà mon amour ! Oh ! si elle pouvait le savoir !… Que dit-elle ? Rien… Elle se tait… Mais non ; son regard parle, et je veux lui répondre… Ce n’est pas à moi qu’elle s’adresse. Deux des plus belles étoiles du ciel, ayant affaire ailleurs, adjurent ses yeux de vouloir bien resplendir dans leur sphère jusqu’à ce qu’elles reviennent. Ah ! si les étoiles se substituaient à ses yeux, en même temps que ses yeux aux étoiles, le seul éclat de ses joues ferait pâlir la clarté des astres, comme le grand jour, une lampe ; et ses yeux, du haut du ciel, darderaient une telle lumière à travers les régions aériennes, que les oiseaux chanteraient, croyant que la nuit n’est plus. Voyez comme elle appuie sa joue sur sa main ! Oh ! que ne suis-je le gant de cette main ! Je toucherais sa joue !
JULIETTE
Hélas !
ROMÉO
Elle parle ! Oh ! parle encore, ange resplendissant ! Car tu rayonnes dans cette nuit, au-dessus de ma tête, comme le messager ailé du ciel, quand, aux yeux bouleversés des mortels qui se rejettent en arrière pour le contempler, il devance les nuées paresseuses et vogue sur le sein des airs !
JULIETTE
ô Roméo ! Roméo ! pourquoi es-tu Roméo ? Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m’aimer, et je ne serai plus une Capulet.
ROMÉO, à part
Dois-je l’écouter encore ou lui répondre ?
JULIETTE
Ton nom seul est mon ennemi. Tu n’es pas un Montague, tu es toi-même. Qu’est-ce qu’un Montague ? Ce n’est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage, ni rien qui fasse partie d’un homme… Oh ! sois quelque autre nom ! Qu’y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons une rose embaumerait autant sous un autre nom. Ainsi, quand Roméo ne s’appellerait plus Roméo, il conserverait encore les chères perfections qu’il possède… Roméo, renonce à ton nom ; et, à la place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi tout entière.
ROMÉO
Je te prends au mot ! Appelle-moi seulement ton amour et je reçois un nouveau baptême : désormais je ne suis plus Roméo.
JULIETTE
Quel homme es-tu, toi qui, ainsi caché par la nuit, viens de te heurter à mon secret ?
ROMÉO
Je ne sais par quel nom t’indiquer qui je suis. Mon nom, sainte chérie, m’est odieux à moi-même, parce qu’il est pour toi un ennemi : si je l’avais écrit là, j’en déchirerais les lettres.
JULIETTE
Mon oreille n’a pas encore aspiré cent paroles proférées par cette voix, et pourtant j’en reconnais le son. N’es-tu pas Roméo et un Montague ?
ROMÉO
Ni l’un ni l’autre, belle vierge, si tu détestes l’un et l’autre.
JULIETTE
Comment es-tu venu ici, dis-moi ? et dans quel but ? Les murs du jardin sont hauts et difficiles à gravir. Considère qui tu es : ce lieu est ta mort, si quelqu’un de mes parents te trouve ici.
ROMÉO
J’ai escaladé ces murs sur les ailes légères de l’amour : car les limites de pierre ne sauraient arrêter l’amour, et ce que l’amour peut faire, l’amour ose le tenter ; voilà pourquoi tes parents ne sont pas un obstacle pour moi.
JULIETTE
S’ils te voient, ils te tueront.
ROMÉO
Hélas ! il y a plus de péril pour moi dans ton regard que dans vingt de leurs épées : que ton œil me soit doux, et je suis à l’épreuve de leur inimitié.
JULIETTE
Je ne voudrais pas pour le monde entier qu’ils te vissent ici.
ROMÉO
J’ai le manteau de la nuit pour me soustraire à leur vue. D’ailleurs, si tu ne m’aimes pas, qu’ils me trouvent ici ! J’aime mieux ma vie finie par leur haine que ma mort différée sans ton amour.
JULIETTE
Quel guide as-tu donc eu pour arriver jusqu’ici ?
ROMÉO
L’amour, qui le premier m’a suggéré d’y venir : il m’a prêté son esprit et je lui ai prêté mes yeux. Je ne suis pas un pilote ; mais, quand tu serais à la même distance que la vaste plage baignée par la mer la plus lointaine, je risquerais la traversée pour une denrée pareille.
JULIETTE
Tu sais que le masque de la nuit est sur mon visage ; sans cela, tu verrais une virginale couleur colorer ma joue, quand je songe aux paroles que tu m’as entendue dire cette nuit. Ah ! je voudrais rester dans les convenances ; je voudrais, je voudrais nier ce que j’ai dit. Mais adieu, les cérémonies ! M’aimes-tu ? Je sais que tu vas dire oui, et je te croirai sur parole. Ne le jure pas : tu pourrais trahir ton serment : les parjures des amoureux font, dit-on, rire Jupiter… Oh ! gentil Roméo, si tu m’aimes, proclame-le loyalement : et si tu crois que je me laisse trop vite gagner je froncerai le sourcil, et je serai cruelle, et je te dirai non, pour que tu me fasses la cour : autrement, rien au monde ne m’y déciderait… En vérité, beau Montague, je suis trop éprise, et tu pourrais croire ma conduite légère ; mais crois-moi, gentilhomme, je me montrerai plus fidèle que celles qui savent mieux affecter la réserve. J’aurais été plus réservée, il faut que je l’avoue, si tu n’avais pas surpris, à mon insu, l’aveu passionné de mon amour : pardonne-moi donc et n’impute pas à une légèreté d’amour cette faiblesse que la nuit noire t’a permis de découvrir.
ROMÉO
Madame, je jure par cette lune sacrée qui argente toutes ces cimes chargées de fruits !…
JULIETTE
Oh ! ne jure pas par la lune, l’inconstante lune dont le disque change chaque mois, de peur que ton amour ne devienne aussi variable !
ROMÉO
Par quoi dois-je jurer ?
JULIETTE
Ne jure pas du tout ; ou, si tu le veux, jure par ton gracieux être, qui est le dieu de mon idolâtrie, et je te croirai.
ROMÉO
Si l’amour profond de mon cœur…
JULIETTE
Ah ! ne jure pas ! Quoique tu fasses ma joie, je ne puis goûter cette nuit toutes les joies de notre rapprochement ; il est trop brusque, trop imprévu, trop subit, trop semblable à l’éclair qui a cessé d’être avant qu’on ait pu dire : il brille !… Doux ami, bonne nuit ! Ce bouton d’amour, mûri par l’haleine de l’été, pourra devenir une belle fleur, à notre prochaine entrevue… Bonne nuit, bonne nuit ! Puisse le repos, puisse le calme délicieux qui est dans mon sein, arriver à ton cœur !
ROMÉO
Oh ! vas-tu donc me laisser si peu satisfait ?
JULIETTE
Quelle satisfaction peux-tu obtenir cette nuit ?
ROMÉO
Le solennel échange de ton amour contre le mien.
JULIETTE
Mon amour ! je te l’ai donné avant que tu l’aies demandé. Et pourtant je voudrais qu’il fût encore à donner.
ROMÉO
Voudrais-tu me le retirer ? Et pour quelle raison, mon amour ?
JULIETTE
Rien que pour être généreuse et te le donner encore. Mais je désire un bonheur que j’ai déjà : ma libéralité est aussi illimitée que la mer, et mon amour aussi profond : plus je te donne, plus il me reste, car l’une et l’autre sont infinis. (On entend la voix de la nourrice.) J’entends du bruit dans la maison. Cher amour, adieu ! J’y vais, bonne nourrice !… Doux Montague, sois fidèle. Attends un moment, je vais revenir (Elle se retire de la fenêtre.)
ROMÉO
Ô céleste, céleste nuit ! J’ai peur, comme il fait nuit, que tout ceci ne soit qu’un rêve, trop délicieusement flatteur pour être réel.
Juliette revient.
JULIETTE
Trois mots encore, cher Roméo, et bonne nuit, cette fois ! Si l’intention de ton amour est honorable, si ton but est le mariage, fais-moi savoir demain, par la personne que je ferai parvenir jusqu’à toi, en quel lieu et à quel moment tu veux accomplir la cérémonie, et alors je déposerai à tes pieds toutes mes destinées, et je te suivrai, monseigneur, jusqu’au bout du monde !
LA NOURRICE, derrière le théâtre
Madame !
JULIETTE
J’y vais ! tout à l’heure ! Mais si ton arrière-pensée n’est pas bonne, je te conjure…
LA NOURRICE, derrière le théâtre
Madame !
JULIETTE
À l’instant ! J’y vais !…, de cesser tes instances et de me laisser à ma douleur.. J’enverrai demain.
ROMÉO
Par le salut de mon âme…
JULIETTE
Mille fois bonne nuit ! (Elle quitte la fenêtre.)
ROMÉO
La nuit ne peut qu’empirer mille fois, dès que ta lumière lui manque… (Se retirant à pas lents.) L’amour court vers l’amour comme l’écolier hors de la classe ; mais il s’en éloigne avec l’air accablé de l’enfant qui rentre à l’école.
Juliette reparaît à la fenêtre.
JULIETTE
Stt ! Roméo ! Stt !… Oh ! que n’ai-je la voix du fauconnier pour réclamer mon noble tiercelet ! Mais la captivité est enrouée et ne peut parler ha ut : sans quoi j’ébranlerais la caverne où Écho dort, et sa voix aérienne serait bientôt plus enrouée que la mienne, tant je lui ferais répéter le nom de mon Roméo !
ROMÉO, revenant sur ses pas. - C’est mon âme qui me rappelle par mon nom ! Quels sons argentins a dans la nuit la voix de la bien-aimée ! Quelle suave musique pour l’oreille attentive !
JULIETTE
Roméo !
ROMÉO
Ma mie ?
LA NOURRICE, derrière le théâtre
Madame !
JULIETTE
À quelle heure, demain, enverrai-je vers toi ?
ROMÉO
À neuf heures.
JULIETTE
Je n’y manquerai pas ! il y a vingt ans d’ici là. J’ai oublié pourquoi je t’ai rappelé.
ROMÉO
Laisse-moi rester ici jusqu’à ce que tu t’en souviennes.
JULIETTE
Je l’oublierai, pour que tu restes là toujours, me rappelant seulement combien j’aime ta compagnie.
ROMÉO
Et je resterai là pour que tu l’oublies toujours, oubliant moi-même que ma demeure est ailleurs.
JULIETTE
Il est presque jour. Je voudrais que tu fusses parti, mais sans t’éloigner plus que l’oiseau familier d’une joueuse enfant : elle le laisse voleter un pe u hors de sa main, pauvre prisonnier embarrassé de liens, et vite elle le ramène en tirant le fil de soie, tant elle est tendrement jalouse de sa liberté !
ROMÉO
Je voudrais être ton oiseau !
JULIETTE
Ami, je le voudrais aussi ; mais je te tuerais à force de caresses. Bonne nuit ! bonne nuit ! Si douce est la tristesse de nos adieux que je te dirais : bonne nuit ! jusqu’à ce qu’il soit jour (Elle se retire.)
ROMÉO, seul. - Que le sommeil se fixe sur tes yeux et la paix dans ton cœur ! Je voudrais être le sommeil et la paix, pour reposer si délicieusement ! Je vais de ce pas à la cellule de mon père spirituel, pour implorer son aide et lui conter mon bonheur. (Il sort.)
questions :
- résumez les arguments de chacun rapidement
- quelles sont les figures de style et expliquez-les (que portent-elles?)
- quelle est l'intention de Roméo et Juliette ?
-que remarquez-cous à propos de la traduction :
ROMEO
He jests at scars that never felt a wound.
JULIET appears above at a window
But, soft! what light through yonder window breaks?
It is the east, and Juliet is the sun.
Arise, fair sun, and kill the envious moon,
Who is already sick and pale with grief,
That thou her maid art far more fair than she:
Be not her maid, since she is envious;
Her vestal livery is but sick and green
And none but fools do wear it; cast it off.
It is my lady, O, it is my love!
O, that she knew she were!
She speaks yet she says nothing: what of that?
Her eye discourses; I will answer it.
I am too bold, 'tis not to me she speaks:
Two of the fairest stars in all the heaven,
Having some business, do entreat her eyes
To twinkle in their spheres till they return.
What if her eyes were there, they in her head?
The brightness of her cheek would shame those stars,
As daylight doth a lamp; her eyes in heaven
Would through the airy region stream so bright
That birds would sing and think it were not night.
See, how she leans her cheek upon her hand!
O, that I were a glove upon that hand,
That I might touch that cheek!
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Scène 8 : (extrait)
LAURENCE
Bénédictine ! Quelle voix matinale me salue si doucement ? Jeune fils, c’est signe de quelque désordre d’esprit, quand on dit adieu si tôt à son lit. Le souci fait le guet dans les yeux du vieillard, et le sommeil n’entre jamais où loge le souci. Mais là où la jeunesse ingambe repose, le cerveau dégagé, là règne le sommeil d’or. Je conclus donc de ta visite matinale que quelque grave perturbation t’a mis sur pied. Si cela n’est pas, je devine que notre Roméo ne s’est pas couché cette nuit.
ROMÉO
Cette dernière conjecture est la vraie ; mais mon repos n’en a été que plus doux.
LAURENCE
Dieu pardonne au pécheur ! Étais-tu donc avec Rosaline ?
ROMÉO
Avec Rosaline ! Oh non, mon père spirituel : j’ai oublié ce nom, et tous les maux attachés à ce nom.
LAURENCE
Voilà un bon fils… Mais où as-tu été alors ?
ROMÉO
Je vais te le dire et t’épargner de nouvelles questions. Je me suis trouvé à la même fête que mon ennemi : tout à coup cet ennemi m’a blessé, et je l’ai blessé à mon tour : notre guérison à tous deux dépend de tes secours et de ton ministère sacré. Tu le vois, saint homme, je n’ai pas de haine ; car j’intercède pour mon adversaire comme pour moi.
LAURENCE
Parle clairement, mon cher fils, et explique-toi sans détour : une confession équivoque n’obtient qu’une absolution équivoque.
ROMÉO
Apprends-le donc tout net, j’aime d’un amour profond la fille charmante du riche Capulet. Elle a fixé mon cœur comme j’ai fixé le sien ; pour que notre union soit complète, il ne nous manque que d’être unis par toi dans le saint mariage. Quand, où et comment nous nous sommes vus, aimés et fiancés, je te le dirai chemin faisant ; mais, avant tout, je t’en prie, consens à nous marier aujourd’hui même.
LAURENCE
Par saint François ! quel changement ! Cette Rosaline que tu aimais tant, est-elle donc si vite délaissée ? Ah ! l’amour des jeunes gens n’est pas vraiment dans le cœur, il n’est que dans les yeux. Jésus Maria ! Que de larmes pour Rosaline ont inondé tes joues blêmes ! Que d’eau salée prodiguée en pure perte pour assaisonner un amour qui n’en garde pas même l’arrière-goût ! Le soleil n’a pas encore dissipé tes soupirs dans le ciel : tes gémissements passés tintent encore à mes vieilles oreilles. Tiens, il y a encore là, sur ta joue, la trace d’une ancienne larme, non essuyée encore ! Si alors tu étais bien toi-même, si ces douleurs étaient bien les tiennes, toi et tes douleurs vous étiez tout à Rosaline ; et te voilà déjà changé ! Prononce donc avec moi cette sentence : Les femmes peuvent faillir, quand les hommes ont si peu de force.
- que pensent en général les gens de Roméo et Juliette ?
- Que pense Frère Laurence dans cette scène ? Soulignez la phrase (ou quelques unes) qui indiquent
- quelle est la phrase clef dans cette scène, c'est-à-dire la phrase qui permettrait de donner un éclairage à toute la pièce?
- cela correspond-il à ce que pensent les gens de cette pièce ? Que pensez-vous ?
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Dernier acte, Scène 24 : extrait
(Roméo est revenu et ignore que Juliette a ingéré une drogue qui simule la mort mais qui l'a juste mise dans une sorte de coma qui va cesser. Il tue Paris et se suicide, pensant que Juliette est morte.
LE PAGE
Ô ciel ! ils se battent : je vais appeler le guet. (Il sort en courant.)
PARIS, tombant
Oh ! je suis tué !… Si tu es généreux, ouvre le tombeau et dépose-moi près de Juliette. (Il expire.)
ROMÉO
Sur ma foi, je le ferai. (Se penchant sur le cadavre.) Examinons cette figure : un parent de Mercutio, le noble comte Paris ! Que m’a donc dit mon valet ? Mon âme, bouleversée, n’y a pas fait attention… Nous étions à cheval… Il me contait, je crois, que Paris devait épouser Juliette. M’a-t-il dit cela, ou l’ai-je rêvé ? Ou, en l’entendant parler de Juliette, ai-je eu la folie de m’imaginer cela ? (Prenant le cadavre par le bras.) Oh ! donne-moi ta main, toi que l’âpre adversité a inscrit comme moi sur son livre ! Je vais t’ensevelir dans un tombeau triomphal… Un tombeau ? oh ! non, jeune victime, c’est un Louvre splendide, car Juliette y repose, et sa beauté fait de ce caveau une salle de fête illuminée. (Il dépose Paris dans le monument.) Mort, repose ici, enterré par un mort. Que de fois les hommes à l’agonie ont eu un accès de joie, un éclair avant la mort, comme disent ceux qui les soignent… Ah ! comment comparer ceci à un éclair ? (Contemplant le corps de Juliette.) Mon amour ! ma femme ! La mort qui a sucé le miel de ton haleine n’a pas encore eu de pouvoir sur ta beauté : elle ne t’a pas conquise ; la flamme de la beauté est encore toute cramoisie sur tes lèvres et sur tes joues, et le pâle drapeau de la mort n’est pas encore déployé là… (Allant à un autre cercueil.) Tybalt ! te voilà donc couché dans ton linceul sanglant ! Oh ! que puis-je faire de plus pour toi ? De cette même main qui faucha ta jeunesse, je vais abattre celle de ton ennemi. Pardonne-moi, cousin. (Revenant sur ses pas.) Ah ! chère Juliette, pourquoi es-tu si belle encore ? Dois-je croire que le spectre de la Mort est amoureux et que l’affreux monstre décharné te garde ici dans les ténèbres pour te posséder ?… Horreur ! Je veux rester près de toi, et ne plus sortir de ce sinistre palais de la nuit ; ici, ici, je veux rester avec ta chambrière, la vermine ! Oh ! c’est ici que je veux fixer mon éternelle demeure et soustraire au joug des étoiles ennemies cette chair lasse du monde… (Tenant le corps embrassé.) Un dernier regard, mes yeux ! bras, une dernière étreinte ! et vous, lèvres, vous, portes de l’haleine, scellez par un baiser légitime un pacte indéfini avec le sépulcre accapareur ! (Saisissant la fiole.) Viens, amer conducteur, viens, âcre guide. Pilote désespéré, vite ! lance sur les brisants ma barque épuisée par la tourmente ! À ma bien-aimée ! (Il boit le poison.) Oh ! l’apothicaire ne m’a pas trompé : ses drogues sont actives… Je meurs ainsi… sur un baiser ! (Il expire en embrassant Juliette.)
Frère Laurence paraît à l’autre extrémité du cimetière, avec une lanterne, un levier et une bêche.(…)
(Juliette sort de son coma)
JULIETTE
Ô frère charitable, où est mon seigneur ? Je me rappelle bien en quel lieu je dois être : m’y voici… Mais où est Roméo ? (Rumeur au loin. )
LAURENCE
J’entends du bruit… Ma fille, quitte ce nid de mort, de contagion, de sommeil contre nature. Un pouvoir au-dessus de nos contradictions a déconcerté nos plans. Viens, viens, partons ! Ton mari est là gisant sur ton sein, et voici Paris. Viens, je te placerai dans une communauté de saintes religieuses ; pas de questions ! le guet arrive… Allons, viens, chère Juliette. (La rumeur se rapproche.) Je n’ose rester plus longtemps. (Il sort du tombeau et disparaît.)
JULIETTE
Va, sors d’ici, car je ne m’en irai pas, moi. Qu’est ceci ? Une coupe qu’étreint la main de mon bien-aimé ? C’est le poison, je le vois, qui a causé sa fin prématurée. L’égoïste ! il a tout bu ! il n’a pas laissé une goutte amie pour m’aider à le rejoindre ! Je veux baiser tes lèvres : peut-être y trouverai-je un reste de poison dont le baume me fera mourir… (Elle l’embrasse. ) Tes lèvres sont chaudes !
PREMIER GARDE, derrière le théâtre
Conduis-nous, page… De quel côté ?
JULIETTE
Oui, du bruit ! Hâtons-nous donc ! (Saisissant le poignard de Roméo.) Ô heureux poignard ! voici ton fourreau… (Elle se frappe.) Rouille-toi là et laisse-moi mourir ! (Elle tombe sur le corps de Roméo et expire.)
(…)
LAURENCE
Je serai bref, car le peu de souffle qui me reste ne suffirait pas à un récit prolixe. Roméo, ici gisant, était l’époux de Juliette ; et Juliette, ici gisante, était la femme fidèle de Roméo. Je les avais mariés : le jour de leur mariage secret fut le dernier jour de Tybalt, dont la mort prématurée proscrivit de cette cité le nouvel époux. C’était lui, et non Tybalt, que pleurait Juliette. (À Capulet.) Vous, pour chasser la douleur qui assiégeait votre fille, vous l’aviez fiancée, et vous vouliez la marier de force au comte Paris. Sur ce, elle est venue à moi, et, d’un air effaré, m’a dit de trouver un moyen pour la soustraire à ce second mariage ; sinon, elle voulait se tuer là, dans ma cellule. Alors, sur la foi de mon art, je lui ai remis un narcotique qui a agi, comme je m’y attendais, en lui donnant l’apparence de la mort. Cependant j’ai écrit à Roméo d’arriver dès cette nuit fatale, pour aider Juliette à sortir de sa tombe empruntée, au moment où l’effet du breuvage cesserait. Mais celui qui était chargé de ma lettre, Frère Jean, a été retenu par un accident, et me l’a rapportée hier soir. Alors tout seul, à l’heure fixée d’avance pour le réveil de Juliette, je me suis rendu au caveau des Capulets, dans l’intention de l’emmener et de la recueillir dans ma cellule jusqu’à ce qu’il me fût possible de prévenir Roméo. Mais quand je suis arrivé quelques minutes avant le moment de son réveil, j’ai trouvé ici le noble Paris et le fidèle Roméo prématurément couchés dans le sépulcre. Elle s’éveille, je la conjure de partir et de supporter ce coup du ciel avec patience… Aussitôt un bruit alarmant me chasse de la tombe ; Juliette, désespérée, refuse de me suivre et c’est sans doute alors qu’elle s’est fait violence à elle-même. Voilà tout ce que je sais. La nourrice était dans le secret de ce mariage. Si dans tout ceci quelque malheur est arrivé par ma faute, que ma vieille vie soit sacrifiée, quelques heures avant son épuisement, à la rigueur des lois les plus sévères.
- Pour chaque personnage, essayez de dire quelles sont ses pensées et pourquoi il agit comme il agit.
- Commentez le style (figures de style, procédés d'écriture, vocabulaire) pour les passages que vous trouvez les plus frappants.
- Pourquoi Frère Laurence fait-il un résumé juste avant la fin ?
UN PEU DE CULTURE :
L'histoire de Roméo et Juliette est inspirée d'une histoire de l'antiquité gréco romaine, celle de Pyrame et Thisbé. Thisbé est une jeune fille, Pyrame un jeune homme, ils vivent à Babylone. Le poète latin Ovide nous raconte leur histoire dans son oeuvre poétique les Métamorphoses :
Ils s'aiment mais leurs familles sont ennemies et refusent qu'ils se voient. Ils parviennent donc à se donner rendez-vous une nuit en dehors de la ville pour que personne ne les voie, près d'un mûrier (à cette époque, les mûres étaient blanches). La nuit venue, Thisbé arrive sur place et prend peur car une lionne arrive, elle vient de dévorer une proie et a la gueule ensanglantée. Thisbé s'enfuit dans une grotte proche pour se mettre en sécurité et n'ose plus en sortir, mais son écharpe s'est accrochée aux épines du mûrier et la lionne s'en approche, laissant des traces de sang sur le tissu. Quelques minutes plus tard, Pyrame arrive, et voir cette écharpe ensanglantée, et conclut que Thisbé a été dévorée par un animal sauvage. Il se suicide donc en se poignardant. Thisbé finit par retrouver le courage de revenir, et trouve son amoureux mort, elle saisit donc le poignard et se suicide aussi pour le rejoindre dans la mort. Les racines du mûrier se nourrissent de ce sang répandu et ses fruits deviennent rouges. Les parents furent si tristes qu'ils se réconcilièrent et décidèrent de réunir dans la même urne les cendres des deux amoureux. En souvenir d'eux, deux fleuves portent leur nom.
--Mosaïque représentant Pyrame et Thisbé dans la maison appelée "maison de Dionysos, à Paphos.