Contes africains
Le roi qui voulait
tuer tous les dieux
Amadou Hampâté Bâ
Nul ne peut voir tout seul le sommet de son crâne
Dans une cité de haute brousse, au coeur du royaume de Toula-Heela, un jour le roi mourut. M'Bonki, son fils unique, lui succéda. Hélas, encore jeune et inexpérimenté, M'Bonki fut si grisé par le pouvoir dont il venait d'hériter que bientôt il aspira à l'exercer sans limites, et surtout sans se heurter aux éternelles remontrances des vieux. Il ne voulait qu'une chose : pouvoir commander librement aux jeunes de son village et leur faire subir toutes ses fantaisies sans être gêné par personne.
Une nuit, il rêva que des vieillards, marchant à la queue leu leu, venaient l'un après l'autre lui faire la leçon et contrecarrer ses volontés. Le matin-même, il fit réunirtous les jeunes gens du village sur la grand-place qui faisait face au palais, et donna ordre à chacun d'eux d'aller tuer son père, ses grands-pères... bref, de tuer tous les vieux du village! Et il les menaça de mort s'ils ne s'exécutaient pas.
"Je veux, leur dit-il, que mon payssoit comme la nature aux premières pluies de l'hivernage, qu'il n'y ait partout que de l'herbe verte et pas un seul brin d'herbe desséchée ou jaunie par le temps. Désormais, je ne veux voir partout que des visages jeunes!"
Accablés, les garçons se retirèrent et firent ce qu'on leur avait ordonné. Tous, sauf un.
Ce dernier, nommé Taasi, était très attaché à son vieux père, dont il admirait
Nul ne peut voir tout seul le sommet de son crâne
Dans une cité de haute brousse, au coeur du royaume de Toula-Heela, un jour le roi mourut. M'Bonki, son fils unique, lui succéda. Hélas, encore jeune et inexpérimenté, M'Bonki fut si grisé par le pouvoir dont il venait d'hériter que bientôt il aspira à l'exercer sans limites, et surtout sans se heurter aux éternelles remontrances des vieux. Il ne voulait qu'une chose : pouvoir commander librement aux jeunes de son village et leur faire subir toutes ses fantaisies sans être gêné par personne.
Une nuit, il rêva que des vieillards, marchant à la queue leu leu, venaient l'un après l'autre lui faire la leçon et contrecarrer ses volontés. Le matin-même, il fit réunirtous les jeunes gens du village sur la grand-place qui faisait face au palais, et donna ordre à chacun d'eux d'aller tuer son père, ses grands-pères... bref, de tuer tous les vieux du village! Et il les menaça de mort s'ils ne s'exécutaient pas.
"Je veux, leur dit-il, que mon payssoit comme la nature aux premières pluies de l'hivernage, qu'il n'y ait partout que de l'herbe verte et pas un seul brin d'herbe desséchée ou jaunie par le temps. Désormais, je ne veux voir partout que des visages jeunes!"
Accablés, les garçons se retirèrent et firent ce qu'on leur avait ordonné. Tous, sauf un.
Ce dernier, nommé Taasi, était très attaché à son vieux père, dont il admirait
La tortue avisée.
Tout le monde sait que les tortues sont extrêmement avisées. Un jour, l'une d'entre elles rassembla tous les animaux pour les avertir :
"Une dangereuse plante pousse dans notre forêt. Nous devons la supprimer, sinon c'est elle qui nous supprimera ! "
La tortue conduisit les animaux à la lisière de la forêt où s'étendaient les champs de chanvre et dit :
"Voici la plante en question ! "
Les animaux l'examinèrent et goûtèrent à ses petites feuilles. L'antilope fit la grimace :
"C'est amer. Je ne vois pas pourquoi je devrais la brouter. "
Le flamant hochait la tête :
"Moi non plus. Je ne peux rien faire du chanvre, puisque je vis la plupart du temps dans l'eau."
La carpe ne dit rien, mais s'en alla d'un coup de nageoire.
Ainsi, le chanvre poussa en toute tranquillité. Un jour, les hommes vinrent, l'arrachèrent et en tressèrent des cordes. Ils les prirent pour bander leurs arcs. Ensuite, ils taillèrent des fléches dans l'écorce de palmier et allèrent chasser les oiseaux. Arrivés au bord de l'eau, ils lancèrent leurs fléches contre une bande de flamants. Les oiseaux s'envolèrent, mais l'un d'entre eux resta sur la rive, mortellement blessé. La tortue s'approcha de lui :
"Si tu m'avais obéi lorsque je t'avais demandé de supprimer la plante de la forêt, tu volerais aujourd'hui tranquillement dans les cieux ! "
Le flamant supplia :
"Aie, tortue ! Aide-moi
- Il est trop tard. "
Un homme vint, prit le flamant et l'emporta chez lui.
Ensuite, les hommes prirent une canne et y attachèrent une corde avec un crochet au bout. Ils plongèrent l'hameçon dans l'eau et en très peu de temps, une carpe s'agita au bout de la corde.
La tortue s'approcha d'elle à la nage :
"Si tu m'avais écoutée, tu nagerais aujourd'hui en toute tranquillité !
- Aïe, tortue ! aide-moi ! supplia la carpe.
-Il est trop tard , répondit la tortue.
Un homme tira sur la canne et sortit la carpe de l'eau.
Ensuite, les hommes prirent les cordes et en firent des noeuds coulants qu'ils disposèrent sur un sentier. L'antilope s'y laissa prendre.
La tortue s'approcha d'elle :
"Si tu m'avais écoutée, tu courrais aujourd'hui tranquillement dans la clairière !
- Aie, tortue ! aide-moi ! supplia l'antilope.
La tortue rongea la corde et libéra l'antilope. Depuis ce jour, elles furent amies. Et pourtant, l'antilope était aussi idiote que la tortue était rusée. Certes, elle admirait son amie pour son intelligence mais se disait dans son for intérieur :
"Son intelligence ne lui sert à rien, puis qu'elle est lente. Elle ne peut attraper personne, pas plus qu'elle ne peut fuir ses ennemis. "
Un jour, la tortue défia l'antilope :
"Tu me crois lente, mais je peux te battre à la course quand cela me plaît.
- je voudrais voir cela ! riait l'antilope.
- Alors regarde bien. Nous allons courir jusqu'au sommet de cette colline et on verra bien laquelle d'entre nous y arrivera la première. » Juste avant la course, la tortue mordit la queue de l'antilope et s'y suspendit. L'antilope courut jusquêau sommet de la colline et se retourna pour voir peiner la tortue. Celle-ci lâcha la queue de l'antilope et dit :
"Je suis là. je t'attendais. "
L'antilope avait beau se creuser la tête, elle ne comprit pas comment la tortue s'y était prise pour arriver avant elle.
La fin de l'effroyable crocodile
Autrefois, un effroyable crocodile nommé Kandu vivait dans le Grand Fleuve. Il était si fort et si puissant que nul ne l'égalait, pas même le lion Samba qui lui céda de son plein gré le règne sur les animaux.
"Tu es fort, Kandu, et tu es puissant. Plus fort et plus rusé que moi. C'est à toi d'être le roi des animaux ", lui dit-il.
Kandu était respecté de tous ses sujets, mais les hommes le détestaient. Il appréciait la chair humaine, et il ne se passait pas de semaine sans qu'il n'attrape et ne mange un villageois. Les plus courageux des chasseurs tentèrent de le tuer, mais en vain. Kandu était plus rusé qu'eux. Il passait des soirées entières à se vautrer dans l'eau prés de la berge, mais sans y grimper, car il savait trés bien que les hommes l'y guettaient avec leurs fléches et leurs lances. Quand tout le monde se persuadait qu'il était parti ou qu'il était mort, il émergeait brusquement au milieu des femmes occupées à leur lessive, en attrapait une et l'entraînait sous l'eau. Kandu était vraiment trés malin.
Les villageois en voulaient au sorcier Dibing, incapable d'imaginer un puissant sortilége qui les débarrasserait de Kandu, ainsi qu'au chef Ibaky, incapable de lui régler son compte par les armes. Tous les efforts furent vains. Finalement, le chef Ibaky réunit son peuple et lui dit :
"Ni le sorcier Dibing ni moi ne parvenons à briser le pouvoir du terrible Kandu. Si toutefois quelqu'un arrivait à le tuer et à recouvrir son bouclier de sa peau, je lui donnerai vingt boutons de laiton, vingt sacs de sel et vingt chévres. "
C'étaient là de grandes richesses que maints hommes convoitaient. Personne, cependant, ne voulut avoir affaire au crocodile. Personne, sauf un jeune homme nommé Suba. Suba n'était ni trés fort, ni trés courageux, mais il était rusé. Il se dit :
"Kandu est trés rusé. Pour le vaincre, il faut se montrer encore plus malin que lui. "
Suba prit une lance et un bouclier en bois et alla se promener le long de la berge du Grand Fleuve. Quand les gens lui demandaient pourquoi il se promenait ainsi, il répondait :
"Je m'en vais chasser le crocodile Kandu. "
Et quand ils lui demandaient pourquoi son bouclier n'était pas tendu d'une peau de boeuf comme celui des autres chasseurs, il se contentait de sourire :
"Je recouvrirai mon bouclier avec la peau du crocodile Kandu ! "
Et Suba continuait à arpenter la berge sans pour autant s'occuper du crocodile. Les gens ne faisaient plus attention à lui, pensant qu'il avait l'esprit dérangé. Les animaux, en revanche, furent intrigués par son comportement étrange. Ils envoyérent le lion Samba pour l'interroger :
"Qu'as-tu à rôder par ici ?
- Je suis venu chasser le crocodile Kandu, répondit Suba.
- Et quand penses-tu le faire ?
- Bientôt. à la pleine lune. "
Quand le crocodile connut la nouvelle, il en rit, mais au fur et à mesure que la lune grossissait, il commença à s'inquiéter, se demandant s'il n'y avait pas du vrai dans les propos de Suba. Il savait que les hommes étaient trés malins et qu'ils pouvaient même l'être plus que lui. Kandu décida d'en avoir le coeur net. Il guetta Suba pour l'attaquer sur la berge. Effrayé, le jeune homme ne sut par où s'enfuir. Il joua alors le tout pour le tout :
"L'heure n'est pas encore venue, crocodile Kandu. La lune ne sera pleine que la nuit prochaine.
- Et qu'arrivera-t-il la nuit prochaine ?
- Ta fin, crocodile Kandu !
- Tu as peut-être la prétention de me tuer ? hurla Kandu.
- Je voudrais bien, mais je ne suis pas assez fort pour cela, répondit Suba Tes ennemis, cependant, viendront à mon aide.
Le crocodile s'étonna :
De quels ennemis parles-tu ?
- Des autres animaux, rit Suba. Du lion Samba, de l'éléphant Goro et de tous les autres. Tu crois qu'ils t'obéissent parce qu'ils t'admirent. En réalité, ils te craignent, et comme la peur côtoie la haine, demain, ce sera la fin de ton règne.
Le crocodile se fâcha terriblement :
- Mais moi, je ne les crains pas ! je vais leur montrer ! " cria-t-il en se hâtant d'aller punir ses sujets.
Suba le suivit lentement. Quand les animaux comprirent que Kandu était venu les attaquer, ils se liguèrent contre lui. L'éléphant Goro lui écrasa la tête comme une noix de coco. Suba dépouilla le crocodile et recouvrit son bouclier en bois de sa peau. Il vendit les boutons en laiton et le sel qu'il reçut du chef et conduisit désormais ses chèvres paître sur les pâturages au bord du Grand Fleuve.
L'origine du monde et des hommes
Autrefois, il y a très longtemps de cela, quand le soleil et la lune ne brillaient pas encore dans le ciel et quand le monde se résumait à une brume verdâtre de la forêt vierge, les Esprits se réunirent pour élire leur roi. Aprés d'interminables conciliabules, ils hésitèrent entre le fort Ntogini, l'habile Ndoga-gin, et le sage Mguri-mgori. Un Esprit insignifiant et faible nommé Impisi s'adressa alors à toute l'assemblée :
"Choisissons pour roi celui d'entre nous qui réussira l'exploit le plus remarquable. "
Tous les Esprits furent d'accord. Le fort et courageux Ntogini se leva et, d'un seul geste de la main, dissipa la brume verdâtre de la forêt. Le vif et adroit Ndoga-gin fit, lui aussi, un geste de la main et créa la Terre. Le sage Mguri-mgori étendit ses bras sur la Terre et, aussitôt, la forêt se mit à pousser, les ruisseaux et les rivières à couler, les lacs à se remplir d'eau.
Sur ce, le robuste Ntogini gonfla ses joues et souffla. Il arracha tous les arbres de la forêt, en engendrant vents et tempêtes.
Ndoga-gin réunit tous les Esprits morts depuis les origines du Temps pour les suspendre dans le ciel, créant ainsi la Lune et les étoiles. Mguri-mgori prit l'un de ses yeux et le lança haut dans le ciel, où il se transforma en Soleil. Ensuite, Ntogini créa les nuages, Ndoga-gin la pluie et Mguri-mgori l'éclair. Peu à peu, la Terre acquit son apparence définitive, seuls les hommes y manquaient. Alors, le faible et insignifiant Esprit Impisi se présenta à nouveau devant la grande assemblée et dit :
"Les trois dieux sont en vérité trés puissants, mais il semble que Mguri-mgori soit tout de même le plus fort d'entre eux. Faisons-en notre roi s'il parvient à créer des êtres semblables à nous, les Esprits. "
Tous les Esprits acceptèrent la proposition d'Impisi. Mguri-mgori leur fit ses adieux et se retira dans un lieu connu de lui seul. Il resta absent très longtemps, se montrant discret à son retour sur ce qu'il avait fait pendant sa retraite. Il se contenta de dire :
"Je vais créer des êtres semblables à nous. Je leur accorderai le privilège de régner sur tout ce qui se trouve sur la Terre, mais ils auront deux devoirs : celui de nous obéir, à nous, les dieux et les Esprits, et celui de se laver tous les jours dans l'eau fraîche et courante pour que leurs pensées soient pures. "
Après avoir manifesté bruyamment leur enthousiasme, les Esprits l'élurent roi. Seul le fort Ntogini en fut mécontent, car il jalousait Mguri-mgori. Il souffla de toutes ses forces et une tornade terrible dévasta la Terre. Les fleuves sortirent de leurs lits pour inonder les terres. Lorsque la tornade s'apaisa et que les fleuves retrouvèrent leur cours habituel, des marécages s'étendaient un peu partout. Et voilà que les hommes se mirent à sortir de toute cette boue. Comme ils sont issus des marécages, leur peau est noire, mais comme ils se baignent tous les jours dans l'eau cristalline des rivières, leurs pensées sont d'une blancheur éclatante.
Tout le monde sait que les tortues sont extrêmement avisées. Un jour, l'une d'entre elles rassembla tous les animaux pour les avertir :
"Une dangereuse plante pousse dans notre forêt. Nous devons la supprimer, sinon c'est elle qui nous supprimera ! "
La tortue conduisit les animaux à la lisière de la forêt où s'étendaient les champs de chanvre et dit :
"Voici la plante en question ! "
Les animaux l'examinèrent et goûtèrent à ses petites feuilles. L'antilope fit la grimace :
"C'est amer. Je ne vois pas pourquoi je devrais la brouter. "
Le flamant hochait la tête :
"Moi non plus. Je ne peux rien faire du chanvre, puisque je vis la plupart du temps dans l'eau."
La carpe ne dit rien, mais s'en alla d'un coup de nageoire.
Ainsi, le chanvre poussa en toute tranquillité. Un jour, les hommes vinrent, l'arrachèrent et en tressèrent des cordes. Ils les prirent pour bander leurs arcs. Ensuite, ils taillèrent des fléches dans l'écorce de palmier et allèrent chasser les oiseaux. Arrivés au bord de l'eau, ils lancèrent leurs fléches contre une bande de flamants. Les oiseaux s'envolèrent, mais l'un d'entre eux resta sur la rive, mortellement blessé. La tortue s'approcha de lui :
"Si tu m'avais obéi lorsque je t'avais demandé de supprimer la plante de la forêt, tu volerais aujourd'hui tranquillement dans les cieux ! "
Le flamant supplia :
"Aie, tortue ! Aide-moi
- Il est trop tard. "
Un homme vint, prit le flamant et l'emporta chez lui.
Ensuite, les hommes prirent une canne et y attachèrent une corde avec un crochet au bout. Ils plongèrent l'hameçon dans l'eau et en très peu de temps, une carpe s'agita au bout de la corde.
La tortue s'approcha d'elle à la nage :
"Si tu m'avais écoutée, tu nagerais aujourd'hui en toute tranquillité !
- Aïe, tortue ! aide-moi ! supplia la carpe.
-Il est trop tard , répondit la tortue.
Un homme tira sur la canne et sortit la carpe de l'eau.
Ensuite, les hommes prirent les cordes et en firent des noeuds coulants qu'ils disposèrent sur un sentier. L'antilope s'y laissa prendre.
La tortue s'approcha d'elle :
"Si tu m'avais écoutée, tu courrais aujourd'hui tranquillement dans la clairière !
- Aie, tortue ! aide-moi ! supplia l'antilope.
La tortue rongea la corde et libéra l'antilope. Depuis ce jour, elles furent amies. Et pourtant, l'antilope était aussi idiote que la tortue était rusée. Certes, elle admirait son amie pour son intelligence mais se disait dans son for intérieur :
"Son intelligence ne lui sert à rien, puis qu'elle est lente. Elle ne peut attraper personne, pas plus qu'elle ne peut fuir ses ennemis. "
Un jour, la tortue défia l'antilope :
"Tu me crois lente, mais je peux te battre à la course quand cela me plaît.
- je voudrais voir cela ! riait l'antilope.
- Alors regarde bien. Nous allons courir jusqu'au sommet de cette colline et on verra bien laquelle d'entre nous y arrivera la première. » Juste avant la course, la tortue mordit la queue de l'antilope et s'y suspendit. L'antilope courut jusquêau sommet de la colline et se retourna pour voir peiner la tortue. Celle-ci lâcha la queue de l'antilope et dit :
"Je suis là. je t'attendais. "
L'antilope avait beau se creuser la tête, elle ne comprit pas comment la tortue s'y était prise pour arriver avant elle.
La fin de l'effroyable crocodile
Autrefois, un effroyable crocodile nommé Kandu vivait dans le Grand Fleuve. Il était si fort et si puissant que nul ne l'égalait, pas même le lion Samba qui lui céda de son plein gré le règne sur les animaux.
"Tu es fort, Kandu, et tu es puissant. Plus fort et plus rusé que moi. C'est à toi d'être le roi des animaux ", lui dit-il.
Kandu était respecté de tous ses sujets, mais les hommes le détestaient. Il appréciait la chair humaine, et il ne se passait pas de semaine sans qu'il n'attrape et ne mange un villageois. Les plus courageux des chasseurs tentèrent de le tuer, mais en vain. Kandu était plus rusé qu'eux. Il passait des soirées entières à se vautrer dans l'eau prés de la berge, mais sans y grimper, car il savait trés bien que les hommes l'y guettaient avec leurs fléches et leurs lances. Quand tout le monde se persuadait qu'il était parti ou qu'il était mort, il émergeait brusquement au milieu des femmes occupées à leur lessive, en attrapait une et l'entraînait sous l'eau. Kandu était vraiment trés malin.
Les villageois en voulaient au sorcier Dibing, incapable d'imaginer un puissant sortilége qui les débarrasserait de Kandu, ainsi qu'au chef Ibaky, incapable de lui régler son compte par les armes. Tous les efforts furent vains. Finalement, le chef Ibaky réunit son peuple et lui dit :
"Ni le sorcier Dibing ni moi ne parvenons à briser le pouvoir du terrible Kandu. Si toutefois quelqu'un arrivait à le tuer et à recouvrir son bouclier de sa peau, je lui donnerai vingt boutons de laiton, vingt sacs de sel et vingt chévres. "
C'étaient là de grandes richesses que maints hommes convoitaient. Personne, cependant, ne voulut avoir affaire au crocodile. Personne, sauf un jeune homme nommé Suba. Suba n'était ni trés fort, ni trés courageux, mais il était rusé. Il se dit :
"Kandu est trés rusé. Pour le vaincre, il faut se montrer encore plus malin que lui. "
Suba prit une lance et un bouclier en bois et alla se promener le long de la berge du Grand Fleuve. Quand les gens lui demandaient pourquoi il se promenait ainsi, il répondait :
"Je m'en vais chasser le crocodile Kandu. "
Et quand ils lui demandaient pourquoi son bouclier n'était pas tendu d'une peau de boeuf comme celui des autres chasseurs, il se contentait de sourire :
"Je recouvrirai mon bouclier avec la peau du crocodile Kandu ! "
Et Suba continuait à arpenter la berge sans pour autant s'occuper du crocodile. Les gens ne faisaient plus attention à lui, pensant qu'il avait l'esprit dérangé. Les animaux, en revanche, furent intrigués par son comportement étrange. Ils envoyérent le lion Samba pour l'interroger :
"Qu'as-tu à rôder par ici ?
- Je suis venu chasser le crocodile Kandu, répondit Suba.
- Et quand penses-tu le faire ?
- Bientôt. à la pleine lune. "
Quand le crocodile connut la nouvelle, il en rit, mais au fur et à mesure que la lune grossissait, il commença à s'inquiéter, se demandant s'il n'y avait pas du vrai dans les propos de Suba. Il savait que les hommes étaient trés malins et qu'ils pouvaient même l'être plus que lui. Kandu décida d'en avoir le coeur net. Il guetta Suba pour l'attaquer sur la berge. Effrayé, le jeune homme ne sut par où s'enfuir. Il joua alors le tout pour le tout :
"L'heure n'est pas encore venue, crocodile Kandu. La lune ne sera pleine que la nuit prochaine.
- Et qu'arrivera-t-il la nuit prochaine ?
- Ta fin, crocodile Kandu !
- Tu as peut-être la prétention de me tuer ? hurla Kandu.
- Je voudrais bien, mais je ne suis pas assez fort pour cela, répondit Suba Tes ennemis, cependant, viendront à mon aide.
Le crocodile s'étonna :
De quels ennemis parles-tu ?
- Des autres animaux, rit Suba. Du lion Samba, de l'éléphant Goro et de tous les autres. Tu crois qu'ils t'obéissent parce qu'ils t'admirent. En réalité, ils te craignent, et comme la peur côtoie la haine, demain, ce sera la fin de ton règne.
Le crocodile se fâcha terriblement :
- Mais moi, je ne les crains pas ! je vais leur montrer ! " cria-t-il en se hâtant d'aller punir ses sujets.
Suba le suivit lentement. Quand les animaux comprirent que Kandu était venu les attaquer, ils se liguèrent contre lui. L'éléphant Goro lui écrasa la tête comme une noix de coco. Suba dépouilla le crocodile et recouvrit son bouclier en bois de sa peau. Il vendit les boutons en laiton et le sel qu'il reçut du chef et conduisit désormais ses chèvres paître sur les pâturages au bord du Grand Fleuve.
L'origine du monde et des hommes
Autrefois, il y a très longtemps de cela, quand le soleil et la lune ne brillaient pas encore dans le ciel et quand le monde se résumait à une brume verdâtre de la forêt vierge, les Esprits se réunirent pour élire leur roi. Aprés d'interminables conciliabules, ils hésitèrent entre le fort Ntogini, l'habile Ndoga-gin, et le sage Mguri-mgori. Un Esprit insignifiant et faible nommé Impisi s'adressa alors à toute l'assemblée :
"Choisissons pour roi celui d'entre nous qui réussira l'exploit le plus remarquable. "
Tous les Esprits furent d'accord. Le fort et courageux Ntogini se leva et, d'un seul geste de la main, dissipa la brume verdâtre de la forêt. Le vif et adroit Ndoga-gin fit, lui aussi, un geste de la main et créa la Terre. Le sage Mguri-mgori étendit ses bras sur la Terre et, aussitôt, la forêt se mit à pousser, les ruisseaux et les rivières à couler, les lacs à se remplir d'eau.
Sur ce, le robuste Ntogini gonfla ses joues et souffla. Il arracha tous les arbres de la forêt, en engendrant vents et tempêtes.
Ndoga-gin réunit tous les Esprits morts depuis les origines du Temps pour les suspendre dans le ciel, créant ainsi la Lune et les étoiles. Mguri-mgori prit l'un de ses yeux et le lança haut dans le ciel, où il se transforma en Soleil. Ensuite, Ntogini créa les nuages, Ndoga-gin la pluie et Mguri-mgori l'éclair. Peu à peu, la Terre acquit son apparence définitive, seuls les hommes y manquaient. Alors, le faible et insignifiant Esprit Impisi se présenta à nouveau devant la grande assemblée et dit :
"Les trois dieux sont en vérité trés puissants, mais il semble que Mguri-mgori soit tout de même le plus fort d'entre eux. Faisons-en notre roi s'il parvient à créer des êtres semblables à nous, les Esprits. "
Tous les Esprits acceptèrent la proposition d'Impisi. Mguri-mgori leur fit ses adieux et se retira dans un lieu connu de lui seul. Il resta absent très longtemps, se montrant discret à son retour sur ce qu'il avait fait pendant sa retraite. Il se contenta de dire :
"Je vais créer des êtres semblables à nous. Je leur accorderai le privilège de régner sur tout ce qui se trouve sur la Terre, mais ils auront deux devoirs : celui de nous obéir, à nous, les dieux et les Esprits, et celui de se laver tous les jours dans l'eau fraîche et courante pour que leurs pensées soient pures. "
Après avoir manifesté bruyamment leur enthousiasme, les Esprits l'élurent roi. Seul le fort Ntogini en fut mécontent, car il jalousait Mguri-mgori. Il souffla de toutes ses forces et une tornade terrible dévasta la Terre. Les fleuves sortirent de leurs lits pour inonder les terres. Lorsque la tornade s'apaisa et que les fleuves retrouvèrent leur cours habituel, des marécages s'étendaient un peu partout. Et voilà que les hommes se mirent à sortir de toute cette boue. Comme ils sont issus des marécages, leur peau est noire, mais comme ils se baignent tous les jours dans l'eau cristalline des rivières, leurs pensées sont d'une blancheur éclatante.
nos contes
MAël, Lylian, Lou, Louane, Mathis
C'était à Angoué, un petit village au centre de l'Afrique : il était entouré d'une grande forêt. C'était la saison sèche. Les gens attendaient le retour de la saison des pluies avec impatience. Le sol était durci, à cause de la chaleur, et craquait sous les pas des villageois.
Assouko, un jeune garçon de onze ans, venait de se réveiller. Depuis longtemps déjà , sa mère était morte et son père était malade. Il souffrait de la même maladie et personne ne parvenait à le soigner. Assouko avait peur qu'il meure, lui aussi.
Assouko sortit pour voir le soleil se lever : il se sentit apaisé pour quelques instants. En se retournant, il vit un perroquet sur le toit de sa case. Il semblait regarder l'intérieur de la case.
Assouko décida de le chasser, pour éviter qu'il ne fasse du bruit et réveille son père. Le
perroquet s'envola et resta près d'Assouko, mais hors de portée. Il se mit à parler :
« Dans la forêt, il y a une plante capable de guérir ton père. »
Assouko fut surpris, et se méfiait. Mais il ressentit un peu de joie, à l'idée que, peut-être, il pourrait guérir son père. Mais il entendit son père tousser et alla auprès de lui.
« Avec qui parlais-tu ? demanda le père.
- Aucune importance », répondit Assouko.
Assouko voulait d'abord savoir comment allait son père. Celui-ci répondit qu'il se sentait plus mal, son état s'aggravait.
Assouko pensa aux paroles du perroquet. Il voulut demander conseil à son père. Celui-ci lui répondit de ne pas aller dans la forêt, car de nombreuses légendes racontaient que des esprits la hantaient.
Assouko hésita. Il voulait s'accrocher à cet espoir, car il voyait son père aller très mal. Têtu, il décida de partir le lendemain, à l'aube, pour éviter que son père ne le voie et l'empêche de partir.
Il marcha avant le lever du soleil, quelques kilomètres dans la forêt. Il était impressionné par l'immensité qu'il voyait. Apaisé par la nature, il se sentait la force de marcher vite. Il voulait trouve
Soudain il vit un singe blessé, inconscient au pied d'un grand baobab. Il supposa qu'il avait été blessé par un animal. Il le soigna avec les plantes qu'il avait toujours avec lui. Le singe se réveilla, et dit :
« Tu m'as soigné ?
- Oui, répondit Assouko.
- Que puis-je faire pour te remercier ? continua l'animal.
- sais-tu où se trouve la plante qui soigne les graves maladies ? Commença Assouko.
- Oui, elle se trouve au milieu de la clairière… »
Il n'avait pas fini, mais une branche tombée d'un arbre lui fit peur et il s'enfuit.
Assouko continua son chemin, déçu que le singe ne soit plus là.
Peu de temps après, il fut face à une rivière. Elle était trop profonde pour qu'il puisse traverser à pied. Il construisit donc un radeau de fortune, comme son père lui avait appris, avec des branchages. Il réussit à traverser la rivière sans souci. De l'autre côté se trouvaient des bananiers : il y cueillit quelques fruits : il en mangea deux et en garda un pour plus tard.
Il marcha longtemps parmi les plantes multicolores, les oiseaux, les arbres. Mais à chaque pas il pensait à son père. Il accéléra donc.
Il se trouva bientôt au centre d'une clairière. Il y avait une plante. Il la ramassa, espérant que c'était celle dont avaient parlé le perroquet et le singe. Fatigué, il retourna vers la rivière. Le courant était à présent plus fort. Son radeau était trop fragile pour l'affronter. Alors le singe surgit et l'emmena vers un endroit moins profond pour qu'il puisse traverser.
Assouko lui donna la banane qui lui restait, puis ils firent leurs adieux. C'est seulement quand le singe fut parti qu'Assouko regretta de ne pas lui avoir demandé si la plante qu'il avait trouvée était la bonne. Elle ne ressemblait pas à une plante extraordinaire capable de guérir les graves maladies, mais c'était la seule qu'il avait trouvée.
Fatigué et découragé, il rentra au village.
Il croisa la femme la plus vieille du village qui lui dit :
« Ce que tu tiens dans ta main, jeune homme, est la plante qui permet de soigner toutes blessures et maladies. Il y a bien longtemps que je n'en avais pas vu. Tu dois la déposer sur le front de la personne que tu veux soigner et elle guérira. Utilise-la avec sagesse. »
Assouko la remercia et se dirigea en courant vers la case de son père. Il était heureux.
Il déposa la plante sur le front de son père et attendit près de lui. Ce n'est qu'au petit matin que le père se réveilla, avec une force qu'il n'avait pas sentie depuis qu'il était tombé malade.
Assouko sauta dans ses bras.
Depuis ce jour, Assouko et son père vécurent heureux jusqu'à la fin de leurs jours.
C'était à Angoué, un petit village au centre de l'Afrique : il était entouré d'une grande forêt. C'était la saison sèche. Les gens attendaient le retour de la saison des pluies avec impatience. Le sol était durci, à cause de la chaleur, et craquait sous les pas des villageois.
Assouko, un jeune garçon de onze ans, venait de se réveiller. Depuis longtemps déjà , sa mère était morte et son père était malade. Il souffrait de la même maladie et personne ne parvenait à le soigner. Assouko avait peur qu'il meure, lui aussi.
Assouko sortit pour voir le soleil se lever : il se sentit apaisé pour quelques instants. En se retournant, il vit un perroquet sur le toit de sa case. Il semblait regarder l'intérieur de la case.
Assouko décida de le chasser, pour éviter qu'il ne fasse du bruit et réveille son père. Le
perroquet s'envola et resta près d'Assouko, mais hors de portée. Il se mit à parler :
« Dans la forêt, il y a une plante capable de guérir ton père. »
Assouko fut surpris, et se méfiait. Mais il ressentit un peu de joie, à l'idée que, peut-être, il pourrait guérir son père. Mais il entendit son père tousser et alla auprès de lui.
« Avec qui parlais-tu ? demanda le père.
- Aucune importance », répondit Assouko.
Assouko voulait d'abord savoir comment allait son père. Celui-ci répondit qu'il se sentait plus mal, son état s'aggravait.
Assouko pensa aux paroles du perroquet. Il voulut demander conseil à son père. Celui-ci lui répondit de ne pas aller dans la forêt, car de nombreuses légendes racontaient que des esprits la hantaient.
Assouko hésita. Il voulait s'accrocher à cet espoir, car il voyait son père aller très mal. Têtu, il décida de partir le lendemain, à l'aube, pour éviter que son père ne le voie et l'empêche de partir.
Il marcha avant le lever du soleil, quelques kilomètres dans la forêt. Il était impressionné par l'immensité qu'il voyait. Apaisé par la nature, il se sentait la force de marcher vite. Il voulait trouve
Soudain il vit un singe blessé, inconscient au pied d'un grand baobab. Il supposa qu'il avait été blessé par un animal. Il le soigna avec les plantes qu'il avait toujours avec lui. Le singe se réveilla, et dit :
« Tu m'as soigné ?
- Oui, répondit Assouko.
- Que puis-je faire pour te remercier ? continua l'animal.
- sais-tu où se trouve la plante qui soigne les graves maladies ? Commença Assouko.
- Oui, elle se trouve au milieu de la clairière… »
Il n'avait pas fini, mais une branche tombée d'un arbre lui fit peur et il s'enfuit.
Assouko continua son chemin, déçu que le singe ne soit plus là.
Peu de temps après, il fut face à une rivière. Elle était trop profonde pour qu'il puisse traverser à pied. Il construisit donc un radeau de fortune, comme son père lui avait appris, avec des branchages. Il réussit à traverser la rivière sans souci. De l'autre côté se trouvaient des bananiers : il y cueillit quelques fruits : il en mangea deux et en garda un pour plus tard.
Il marcha longtemps parmi les plantes multicolores, les oiseaux, les arbres. Mais à chaque pas il pensait à son père. Il accéléra donc.
Il se trouva bientôt au centre d'une clairière. Il y avait une plante. Il la ramassa, espérant que c'était celle dont avaient parlé le perroquet et le singe. Fatigué, il retourna vers la rivière. Le courant était à présent plus fort. Son radeau était trop fragile pour l'affronter. Alors le singe surgit et l'emmena vers un endroit moins profond pour qu'il puisse traverser.
Assouko lui donna la banane qui lui restait, puis ils firent leurs adieux. C'est seulement quand le singe fut parti qu'Assouko regretta de ne pas lui avoir demandé si la plante qu'il avait trouvée était la bonne. Elle ne ressemblait pas à une plante extraordinaire capable de guérir les graves maladies, mais c'était la seule qu'il avait trouvée.
Fatigué et découragé, il rentra au village.
Il croisa la femme la plus vieille du village qui lui dit :
« Ce que tu tiens dans ta main, jeune homme, est la plante qui permet de soigner toutes blessures et maladies. Il y a bien longtemps que je n'en avais pas vu. Tu dois la déposer sur le front de la personne que tu veux soigner et elle guérira. Utilise-la avec sagesse. »
Assouko la remercia et se dirigea en courant vers la case de son père. Il était heureux.
Il déposa la plante sur le front de son père et attendit près de lui. Ce n'est qu'au petit matin que le père se réveilla, avec une force qu'il n'avait pas sentie depuis qu'il était tombé malade.
Assouko sauta dans ses bras.
Depuis ce jour, Assouko et son père vécurent heureux jusqu'à la fin de leurs jours.