Antiquité : Martial
Martial
Martial est un auteur latin du 1er siècle, né en actuelle Espagne. A l'époque les empereurs étaient Néron, puis Domitien. Il est l'auteur d'environ 1500 épigrammes, qui sont de courts poèmes en vers qui se moquent soit de personnes précises soit de catégories, en grossissant leurs défauts (c'est la définition de la satire (rappelez-vous les fabliaux en 5e, si vous ne vous rappelez pas, relisez-les )
1,6] (V) MOT DE L'EMPEREUR A MARTIAL.
Quand je donne un combat naval
Tu viens me présenter ton livre ;
C'est prendre ton temps assez mal
Dans le bassin veux-tu le suivre ?
V. Do tibi naumachiam, tu das epigrammata nobis:
Vis, puto, cum libro, Marce, natare tuo.
[1,11] (X) SUR GEMELLUS ET ALCINE.
Gemellus depuis quelque temps
Recherche Alcine en mariage ;
Soins empressés, prières et présents,
Pour l'obtenir il met tout en usage.
- C'est donc une beauté ? - Difforme à faire peur,
Sa richesse peut seule égaler sa laideur ;
Elle est vieille ; de plus, maussade, acariâtre
- Et c'est d'un tel objet qu'il se montre idolâtre
Au point d'en vouloir titre époux !
Comment a-t-elle pu le séduire ? - Entre nous,
C'est par sa toux opiniâtre.
1,10] X. Petit Gemellus nuptias Maronillae
Et cupit et instat et precatur et donat.
Adeone pulchra est? immo foedius nil est.
Quid ergo in illa petitur et placet? Tussit.
1,15] (XIV) A CÉSAR.
Ton spectacle, César ; nous offre une merveille
Dont nul cirque jamais n'avait vu la pareille.
Dans sa gueule entrouverte un lion caressant
Laisse un lièvre courir, jouer impunément.
D'où vient dans un lion cette humeur pacifique ?
César, il t'appartient : le prodige s'explique.
,15] XIV. Delicias, Caesar, lususque iocosque leonum
Vidimus - hoc etiam praestat harena tibi -
Cum prensus blando totiens a dente rediret
Et per aperta uagus curreret ora lepus.
5 Unde potest auidus captae leo parcere praedae?
Sed tamen esse tuus dicitur: ergo potest.
20] (XIX) A AELIA
Quatre dents te restaient, encore pas très entières ;
Une première toux t'en a fait sauter deux ;
Hier un autre accès t'emporta les dernières
Aelia désormais, à ton aise tu peux
Tousser impunément jour et nuit si tu veux.
XIX. Si memini, fuerant tibi quattuor, Aelia, dentes:
Expulit una duos tussis et una duos.
Iam secura potes totis tussire diebus:
Nil istic quod agat tertia tussis habet.
I, 47
Il y a peu, Diaulus était médecin, maintenant il est croque-mort : quelle différence ?
Nuper erat medicus, nunc est vispillo Diaulus.
Quod vispillo facit, fecerat et medicus.
Moyen Age : Fabliaux
Un jour, un paysan découvre par le plus grand des bonheurs deux perdrix, prises dans une haie, à côté de sa ferme. Elles se sont sûrement heurtées en vol, et ont terminé leur course, là raides mortes. Cela ne se produit que rarement.L’homme, fier et satisfait de sa découverte les confie à son épouse pour qu’elle les cuisine tandis qu’il part inviter le curé se joindre à l’excellent repas dont la seule pensée lui met déjà l’eau à la bouche....Mais sa femme achève les préparatifs du festin bien avant que son mari ne soit revenu.
Elle retire les perdrix de la broche au bout de laquelle elles grillent à petit feu. L’odeur savoureuse de la chaire cuite lui caresse le nez. Elle détache un morceau de la peau rôtie pour goûter. Elle est de nature très gourmande, c’est là sa faiblesse. Quand Dieu lui fait don d’un fruit, elle ne le garde pas de côté ; oh ! Non elle se contente sur l’instant. La tentation est trop forte : elle ne peut contenir davantage l’envie de mordre dans les deux ailes d’une perdrix. Délicieuses ! La coupable est un peu inquiète tout de même. Elle sort dehors jusqu’au milieu de la rue pour s’assurer que son mari ne revienne pas encore. Personne !
"C’est grand dommage que de me faire attendre de la sorte, pense-t-elle. Comment puis-je faire de la bonne cuisine si mon homme tarde autant à rentrer ?
Le fumet qu’exhalent les oiseaux rôtis met son estomac à la torture. Si elle goûtait le reste ? Elle mange encore un peu d’une perdrix, si bien qu’il est à présent impossible d’en laisser. Du premier volatile, il ne reste bientôt plus que la carcasse.
Et le second ? Pourquoi ne pas en profiter aussi ? Elle sait bien de quelle manière elle trompera son époux s’il lui demande pourquoi les deux oiseaux ont disparu. Elle pourra toujours mentir et affirmer que deux chats sont venus ensemble à l’instant où elle les retirait de la broche : elle a voulu se débarrasser de l’une des deux bêtes qui approchait de trop près et profitant qu’elle soit ainsi occupée l’autre compère en a dérobé une ; elle s’est tournée vers lui, et c’est alors que le premier.... Chacun a pris la sienne. Elle n’a pas été très adroite certes, il faudra bien le reconnaître, mais en tout cas, oui, son récit sera plausible. Elle s’en retourne de nouveau dans la rue pour guetter la venue de Gombault. Toujours personne ! Sa langue endure mille tortures dans la bouche à la pensée de la seconde perdrix toute chaude sur le plat : vraiment elle deviendra folle si elle ne la dévore pas sur l’instant. D’abord la chaire du cou. Elle s’en lèche les doigts. Oui, mais à présent ?
"Je ne peux pas en rester la, songe-t-elle. Il faut que je finisse le tout. J’en meurs d’envie !
Bientôt il ne reste plus rien des deux petites bêtes.
Le paysan est enfin de retour. Il crie de la rue :
« Ma mie, sont-elles cuites ?
- Elles l’étaient, mais les chats les ont emportés. Je n’ai pas réussi....
- Que dis-tu là ?
Le mari se précipite sur son épouse comme un possédé. Sa colère est si grande qu’il veut la battre. Elle l’arrête :
« C’était une plaisanterie ! Recule, va. Je les ai mises au chaud, elles auraient été moins bonnes tièdes.
- Ah ! Par Saint Lazare, je me serais bien fâché si tu avais commis pareille étourderie !....On va sortir la nappe blanche puisqu’il fait beau. Prends mon meilleur gobelet de bois.
- Je vais le chercher. Toi, prépare ton couteau, il a grand besoin d’être aiguisé.
- C’est exact, j’y vais de ce pas.
Le paysan ôte sa chemise et s’approche de la meule, son couteau tout nu en main. Le curé arrive à cet instant, heureux à la seule pensée de se délecter d’une bonne perdrix. Il salue la dame mais elle le prévient aussitôt :
« Messire, fuyez au loin. Mon époux veut se venger de vous. Il prépare son couteau, il va vous couper les oreilles.
- Que racontez-vous là ? Il m’a dit qu’il avait deux perdrix à partager avec moi et que nous allions profiter ensemble de leur chaire délicieuse.
- Avez vous crû ses paroles ? Voyez-vous des perdrix ici ? Ce n’est point encore le temps de la chasse. Regardez-le là bas à sa meule.
- C’est vrai ! Je crois bien vous dîtes vrai.
Le curé n’attend pas. Son hôte est jaloux et violent, il le sait bien. Il s’enfuit sans demander son dû, et la femme appelle son mari :
« Eh, Messire Gombault.
- Sois patiente. Mon couteau n’est pas encore prêt.
- Arrive sans plus attendre.
- Que se passe-t-il ?
- Tu le sauras assez tôt.... Tu ferais mieux de courir si tu veux tes oiseaux. Le curé s’est enfui avec les perdrix. Vois-toi même !
- Avec mes perdrix !
Le paysan se précipite dans la rue, son couteau en main. Il court aussi vite que ses jambes le lui permettent. Il crie au curé quand il l’aperçoit :
« Vous ne les aurez pas pour vous seul celles là ! Vous ne les mangerez pas.
Le prêtre ne saisit rien de ce qu’il entend mais il se retourne et constate que Gombault le poursuit avec de grands gestes. La course l’épuise mais il accélère son pas. Il court à en perdre le souffle...Le vilain, plus rapide et leste, s’approche. Le curé sent qu’il va bientôt être rattrapé : sa soutane entrave ses mouvements. Heureusement il a de l’avance. Il parvient au presbytère et il s’y enferme. L’autre secoue la grille. En vain.
Le paysan s’en revient alors chez lui tout triste ; il interroge son épouse :
« Dis-moi ce qui s’est passé.
- Eh bien, le curé est arrivé puisque tu l’avais l’invité. Tu connais ses faiblesses....Il n’a guère fait attention à moi. Il a voulu contempler les perdrix. Je ne pouvais pas refuser car tu l’avais invité pour qu’il en mange une. Quand il les a aperçues, il s’est jeté dessus et il s’est enfui avec. Elles n’étaient plus assez chaudes pour le blesser. Tu as été absent longtemps. Que faisais-tu ? Je n’ai pas tardé à t’appeler.
- C’est peut être vrai, dit le paysan.
Cette histoire vous le montre : la femme est née pour tromper. Dans sa bouche, le mensonge devient vérité, la vérité devient mensonge. Pas besoin d’en dire davantage, j’ai fini le récit ».
Elle retire les perdrix de la broche au bout de laquelle elles grillent à petit feu. L’odeur savoureuse de la chaire cuite lui caresse le nez. Elle détache un morceau de la peau rôtie pour goûter. Elle est de nature très gourmande, c’est là sa faiblesse. Quand Dieu lui fait don d’un fruit, elle ne le garde pas de côté ; oh ! Non elle se contente sur l’instant. La tentation est trop forte : elle ne peut contenir davantage l’envie de mordre dans les deux ailes d’une perdrix. Délicieuses ! La coupable est un peu inquiète tout de même. Elle sort dehors jusqu’au milieu de la rue pour s’assurer que son mari ne revienne pas encore. Personne !
"C’est grand dommage que de me faire attendre de la sorte, pense-t-elle. Comment puis-je faire de la bonne cuisine si mon homme tarde autant à rentrer ?
Le fumet qu’exhalent les oiseaux rôtis met son estomac à la torture. Si elle goûtait le reste ? Elle mange encore un peu d’une perdrix, si bien qu’il est à présent impossible d’en laisser. Du premier volatile, il ne reste bientôt plus que la carcasse.
Et le second ? Pourquoi ne pas en profiter aussi ? Elle sait bien de quelle manière elle trompera son époux s’il lui demande pourquoi les deux oiseaux ont disparu. Elle pourra toujours mentir et affirmer que deux chats sont venus ensemble à l’instant où elle les retirait de la broche : elle a voulu se débarrasser de l’une des deux bêtes qui approchait de trop près et profitant qu’elle soit ainsi occupée l’autre compère en a dérobé une ; elle s’est tournée vers lui, et c’est alors que le premier.... Chacun a pris la sienne. Elle n’a pas été très adroite certes, il faudra bien le reconnaître, mais en tout cas, oui, son récit sera plausible. Elle s’en retourne de nouveau dans la rue pour guetter la venue de Gombault. Toujours personne ! Sa langue endure mille tortures dans la bouche à la pensée de la seconde perdrix toute chaude sur le plat : vraiment elle deviendra folle si elle ne la dévore pas sur l’instant. D’abord la chaire du cou. Elle s’en lèche les doigts. Oui, mais à présent ?
"Je ne peux pas en rester la, songe-t-elle. Il faut que je finisse le tout. J’en meurs d’envie !
Bientôt il ne reste plus rien des deux petites bêtes.
Le paysan est enfin de retour. Il crie de la rue :
« Ma mie, sont-elles cuites ?
- Elles l’étaient, mais les chats les ont emportés. Je n’ai pas réussi....
- Que dis-tu là ?
Le mari se précipite sur son épouse comme un possédé. Sa colère est si grande qu’il veut la battre. Elle l’arrête :
« C’était une plaisanterie ! Recule, va. Je les ai mises au chaud, elles auraient été moins bonnes tièdes.
- Ah ! Par Saint Lazare, je me serais bien fâché si tu avais commis pareille étourderie !....On va sortir la nappe blanche puisqu’il fait beau. Prends mon meilleur gobelet de bois.
- Je vais le chercher. Toi, prépare ton couteau, il a grand besoin d’être aiguisé.
- C’est exact, j’y vais de ce pas.
Le paysan ôte sa chemise et s’approche de la meule, son couteau tout nu en main. Le curé arrive à cet instant, heureux à la seule pensée de se délecter d’une bonne perdrix. Il salue la dame mais elle le prévient aussitôt :
« Messire, fuyez au loin. Mon époux veut se venger de vous. Il prépare son couteau, il va vous couper les oreilles.
- Que racontez-vous là ? Il m’a dit qu’il avait deux perdrix à partager avec moi et que nous allions profiter ensemble de leur chaire délicieuse.
- Avez vous crû ses paroles ? Voyez-vous des perdrix ici ? Ce n’est point encore le temps de la chasse. Regardez-le là bas à sa meule.
- C’est vrai ! Je crois bien vous dîtes vrai.
Le curé n’attend pas. Son hôte est jaloux et violent, il le sait bien. Il s’enfuit sans demander son dû, et la femme appelle son mari :
« Eh, Messire Gombault.
- Sois patiente. Mon couteau n’est pas encore prêt.
- Arrive sans plus attendre.
- Que se passe-t-il ?
- Tu le sauras assez tôt.... Tu ferais mieux de courir si tu veux tes oiseaux. Le curé s’est enfui avec les perdrix. Vois-toi même !
- Avec mes perdrix !
Le paysan se précipite dans la rue, son couteau en main. Il court aussi vite que ses jambes le lui permettent. Il crie au curé quand il l’aperçoit :
« Vous ne les aurez pas pour vous seul celles là ! Vous ne les mangerez pas.
Le prêtre ne saisit rien de ce qu’il entend mais il se retourne et constate que Gombault le poursuit avec de grands gestes. La course l’épuise mais il accélère son pas. Il court à en perdre le souffle...Le vilain, plus rapide et leste, s’approche. Le curé sent qu’il va bientôt être rattrapé : sa soutane entrave ses mouvements. Heureusement il a de l’avance. Il parvient au presbytère et il s’y enferme. L’autre secoue la grille. En vain.
Le paysan s’en revient alors chez lui tout triste ; il interroge son épouse :
« Dis-moi ce qui s’est passé.
- Eh bien, le curé est arrivé puisque tu l’avais l’invité. Tu connais ses faiblesses....Il n’a guère fait attention à moi. Il a voulu contempler les perdrix. Je ne pouvais pas refuser car tu l’avais invité pour qu’il en mange une. Quand il les a aperçues, il s’est jeté dessus et il s’est enfui avec. Elles n’étaient plus assez chaudes pour le blesser. Tu as été absent longtemps. Que faisais-tu ? Je n’ai pas tardé à t’appeler.
- C’est peut être vrai, dit le paysan.
Cette histoire vous le montre : la femme est née pour tromper. Dans sa bouche, le mensonge devient vérité, la vérité devient mensonge. Pas besoin d’en dire davantage, j’ai fini le récit ».
17e, théâtre, Molière
Molière, Le Bourgeois Gentilhomme, 17e II,5
Monsieur Jourdain
Je vous en prie. Au reste, il faut que je vous fasse une confidence. Je suis amoureux d’une personne de grande qualité, et je souhaiterais que vous m’aidassiez à lui écrire quelque chose dans un petit billet que je veux laisser tomber à ses pieds.
Maître de philosophie
Fort bien.
Monsieur Jourdain
Cela sera galant, oui.
Maître de philosophie
Sans doute. Sont-ce des vers que vous lui voulez écrire ?
Monsieur Jourdain
Non, non, point de vers.
Maître de philosophie
Vous ne voulez que de la prose ?
Monsieur Jourdain
Non, je ne veux ni prose ni vers.
Maître de philosophie
Il faut bien que ce soit l’un, ou l’autre.
Monsieur Jourdain
Pourquoi ?
Maître de philosophie
Par la raison, Monsieur, qu’il n’y a pour s’exprimer que la prose, ou les vers.
Monsieur Jourdain
Il n’y a que la prose ou les vers ?
Maître de philosophie
Non, Monsieur : tout ce qui n’est point prose est vers ; et tout ce qui n’est point vers est prose.
Monsieur Jourdain
Et comme l’on parle qu’est-ce que c’est donc que cela ?
Maître de philosophie
De la prose.
Monsieur Jourdain
Quoi ? quand je dis : « Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donnez mon bonnet de nuit », c’est de la prose ?
Maître de philosophie
Oui, Monsieur.
Monsieur Jourdain
Par ma foi ! il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j’en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m’avoir appris cela. Je voudrais donc lui mettre dans un billet : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour ; mais je voudrais que cela fût mis d’une manière galante, que cela fût tourné gentiment.
Maître de philosophie
Mettre que les feux de ses yeux réduisent votre cœur en cendres ; que vous souffrez nuit et jour pour elle les violences d’un…
Monsieur Jourdain
Non, non, non, je ne veux point tout cela ; je ne veux que ce que je vous ai dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour.
Maître de philosophie
Il faut bien étendre un peu la chose.
Monsieur Jourdain
Non, vous dis-je, je ne veux que ces seules paroles-là dans le billet ; mais tournées à la mode ; bien arrangées comme il faut. Je vous prie de me dire un peu, pour voir, les diverses manières dont on les peut mettre.
Maître de philosophie
On les peut mettre premièrement comme vous avez dit.
Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. Ou bien : D’amour mourir me font, belle Marquise, vos beaux yeux. Ou bien : Vos yeux beaux d’amour me font, belle Marquise, mourir. Ou bien : Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d’amour me font. Ou bien : Me font vos yeux beaux mourir, belle Marquise, d’amour.
Monsieur Jourdain
Mais de toutes ces façons-là, laquelle est la meilleure ?
Maître de philosophie
Celle que vous avez dite : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour.
Monsieur Jourdain
Cependant je n’ai point étudié, et j’ai fait cela tout du premier coup. Je vous remercie de tout mon cœur, et vous prie de venir demain de bonne heure.
Monsieur Jourdain
Je vous en prie. Au reste, il faut que je vous fasse une confidence. Je suis amoureux d’une personne de grande qualité, et je souhaiterais que vous m’aidassiez à lui écrire quelque chose dans un petit billet que je veux laisser tomber à ses pieds.
Maître de philosophie
Fort bien.
Monsieur Jourdain
Cela sera galant, oui.
Maître de philosophie
Sans doute. Sont-ce des vers que vous lui voulez écrire ?
Monsieur Jourdain
Non, non, point de vers.
Maître de philosophie
Vous ne voulez que de la prose ?
Monsieur Jourdain
Non, je ne veux ni prose ni vers.
Maître de philosophie
Il faut bien que ce soit l’un, ou l’autre.
Monsieur Jourdain
Pourquoi ?
Maître de philosophie
Par la raison, Monsieur, qu’il n’y a pour s’exprimer que la prose, ou les vers.
Monsieur Jourdain
Il n’y a que la prose ou les vers ?
Maître de philosophie
Non, Monsieur : tout ce qui n’est point prose est vers ; et tout ce qui n’est point vers est prose.
Monsieur Jourdain
Et comme l’on parle qu’est-ce que c’est donc que cela ?
Maître de philosophie
De la prose.
Monsieur Jourdain
Quoi ? quand je dis : « Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donnez mon bonnet de nuit », c’est de la prose ?
Maître de philosophie
Oui, Monsieur.
Monsieur Jourdain
Par ma foi ! il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j’en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m’avoir appris cela. Je voudrais donc lui mettre dans un billet : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour ; mais je voudrais que cela fût mis d’une manière galante, que cela fût tourné gentiment.
Maître de philosophie
Mettre que les feux de ses yeux réduisent votre cœur en cendres ; que vous souffrez nuit et jour pour elle les violences d’un…
Monsieur Jourdain
Non, non, non, je ne veux point tout cela ; je ne veux que ce que je vous ai dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour.
Maître de philosophie
Il faut bien étendre un peu la chose.
Monsieur Jourdain
Non, vous dis-je, je ne veux que ces seules paroles-là dans le billet ; mais tournées à la mode ; bien arrangées comme il faut. Je vous prie de me dire un peu, pour voir, les diverses manières dont on les peut mettre.
Maître de philosophie
On les peut mettre premièrement comme vous avez dit.
Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. Ou bien : D’amour mourir me font, belle Marquise, vos beaux yeux. Ou bien : Vos yeux beaux d’amour me font, belle Marquise, mourir. Ou bien : Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d’amour me font. Ou bien : Me font vos yeux beaux mourir, belle Marquise, d’amour.
Monsieur Jourdain
Mais de toutes ces façons-là, laquelle est la meilleure ?
Maître de philosophie
Celle que vous avez dite : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour.
Monsieur Jourdain
Cependant je n’ai point étudié, et j’ai fait cela tout du premier coup. Je vous remercie de tout mon cœur, et vous prie de venir demain de bonne heure.
18e : Voltaire, Candide
Voltaire, Candide, chapitre 19 (18e s)
En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n’ayant plus que la moitié de son habit, c’est-à-dire d’un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite. « Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans l’état horrible où je te vois ? - J’attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre. - Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t’a traité ainsi ? - Oui, monsieur, dit le nègre, c’est l’usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l’année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait : « Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux, tu as l’honneur d’être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère. » Hélas ! je ne sais pas si j’ai fait leur fortune, mais ils n’ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous. Les fétiches hollandais qui m’ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d’Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains. Or vous m’avouerez qu’on ne peut pas en user avec ses parents d’une manière plus horrible.
- Ô Pangloss ! s’écria Candide, tu n’avais pas deviné cette abomination ; c’en est fait, il faudra qu’à la fin je renonce à ton optimisme. - Qu’est-ce qu’optimisme ? disait Cacambo. - Hélas ! dit Candide, c’est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal. » Et il versait des larmes en regardant son nègre, et en pleurant il entra dans Surinam.
Lire la suite: http://www.litterales.com/texte--136-_-Chapitre%2019%20:%20Ce%20qui%20leur%20arriva%20a%20Surin.html#ixzz4fF4sIE2Q
En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n’ayant plus que la moitié de son habit, c’est-à-dire d’un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite. « Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans l’état horrible où je te vois ? - J’attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre. - Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t’a traité ainsi ? - Oui, monsieur, dit le nègre, c’est l’usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l’année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait : « Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux, tu as l’honneur d’être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère. » Hélas ! je ne sais pas si j’ai fait leur fortune, mais ils n’ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous. Les fétiches hollandais qui m’ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d’Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains. Or vous m’avouerez qu’on ne peut pas en user avec ses parents d’une manière plus horrible.
- Ô Pangloss ! s’écria Candide, tu n’avais pas deviné cette abomination ; c’en est fait, il faudra qu’à la fin je renonce à ton optimisme. - Qu’est-ce qu’optimisme ? disait Cacambo. - Hélas ! dit Candide, c’est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal. » Et il versait des larmes en regardant son nègre, et en pleurant il entra dans Surinam.
Lire la suite: http://www.litterales.com/texte--136-_-Chapitre%2019%20:%20Ce%20qui%20leur%20arriva%20a%20Surin.html#ixzz4fF4sIE2Q
chanson satirique actuelle
Fatals picards, Retour à la terre, 21e siècle
Minou fais tes valises et les miennes aussi,
Nous quittons l'île St Louis pour le paradis.
J'ai trouvé la maison dont nous rêvions tant,
Pour trois fois rien à crédit sur deux ans.
C'est au coeur du Larzac au bord d'une rivière,
Dans un joli lieu-dit appelé Le Désert.
Un manoir du XVIème dans un parc de mille hectares,
Y aura juste quelques travaux à prévoir.
Pour l'arrivé d'eau le vieux puits fera l'affaire,
Pour l'électricité vivent les panneaux solaires.
S'il y a des nuages, c'est toi qui pédale,
S'il fait nuit plus d'une heure, c'est toi qui pédale.
Le premier spot wifi est à 25km,
Le premier monop' est à 35km,
Le premier iPhone est à 120km,
La dernière poste a fermé.
Elle est pas belle la vie pour le dernier des hippies ?
La main dans la main avec le dernier lapin.
Elle est pas belle la vie pour le dernier des hippies ?
La main dans la main avec le dernier pingouin.
Alors on est pas biens avec nos clapiers à lapins,
Les toilettes à compost, l'eau de pluie pour le bain ?
Si nos amis nous voyaient ils n'en reviendraient pas,
D'ailleurs si ils venaient ils ne reviendraient pas.
Tout ce qui pousse ici est un vrai don de Dieu,
Les ronces, les orties, les champignons vénéneux.
On s'est même installé une petite distillerie,
La gnôle de châtaigne ça vaut tous les smoothies.
Le premier voisin est à 25km,
Le premier village est à 35km,
Le premier magasin bio est à 120km,
La seule maternité a fermé.
Elle est pas belle la vie pour le dernier des hippies ?
La main dans la main avec le dernier dauphin.
Elle est pas belle la vie pour le dernier des hippies ?
La main dans la main avec le dernier oursin.
Quand on sera vieux on aura tout le temps
De penser au monde qu'on laisse à nos enfants,
Mais là on est trop jeunes et moi j'veux pas crever
Trop loin d'un Starbuck ou d'un resto japonais.
Minou fais tes valises et les miennes aussi,
Nous quittons le Larzac pour le paradis.
J'ai trouvé le loft dont tu rêvais tant,
Aux pieds de Notre Dame à crédit sur cent ans.
Le premier médecin était à 25km,
Le premier défibrillateur à 35km,
Le premier hôpital à 120km,
Le dernier cimetière était complet.
Elle est pas belle la vie pour le dernier des hippies ?
La main dans la main avec le dernier Parisien.
Elle est pas belle la vie pour le dernier des hippies ?
La main dans la main avec le dernier terrien.
Elle est pas belle la vie pour le dernier des hippies ?
La main dans la main avec le dernier Tibétain.
Elle est pas belle la vie pour le dernier des hippies ?
La main dans la main avec le dernier lémurien.
La main dans la main avec le dernier pangolin.
La main dans la main avec le dernier vaurien.
La main dans la main avec le dernier gamin.
Minou fais tes valises et les miennes aussi,
Nous quittons l'île St Louis pour le paradis.
J'ai trouvé la maison dont nous rêvions tant,
Pour trois fois rien à crédit sur deux ans.
C'est au coeur du Larzac au bord d'une rivière,
Dans un joli lieu-dit appelé Le Désert.
Un manoir du XVIème dans un parc de mille hectares,
Y aura juste quelques travaux à prévoir.
Pour l'arrivé d'eau le vieux puits fera l'affaire,
Pour l'électricité vivent les panneaux solaires.
S'il y a des nuages, c'est toi qui pédale,
S'il fait nuit plus d'une heure, c'est toi qui pédale.
Le premier spot wifi est à 25km,
Le premier monop' est à 35km,
Le premier iPhone est à 120km,
La dernière poste a fermé.
Elle est pas belle la vie pour le dernier des hippies ?
La main dans la main avec le dernier lapin.
Elle est pas belle la vie pour le dernier des hippies ?
La main dans la main avec le dernier pingouin.
Alors on est pas biens avec nos clapiers à lapins,
Les toilettes à compost, l'eau de pluie pour le bain ?
Si nos amis nous voyaient ils n'en reviendraient pas,
D'ailleurs si ils venaient ils ne reviendraient pas.
Tout ce qui pousse ici est un vrai don de Dieu,
Les ronces, les orties, les champignons vénéneux.
On s'est même installé une petite distillerie,
La gnôle de châtaigne ça vaut tous les smoothies.
Le premier voisin est à 25km,
Le premier village est à 35km,
Le premier magasin bio est à 120km,
La seule maternité a fermé.
Elle est pas belle la vie pour le dernier des hippies ?
La main dans la main avec le dernier dauphin.
Elle est pas belle la vie pour le dernier des hippies ?
La main dans la main avec le dernier oursin.
Quand on sera vieux on aura tout le temps
De penser au monde qu'on laisse à nos enfants,
Mais là on est trop jeunes et moi j'veux pas crever
Trop loin d'un Starbuck ou d'un resto japonais.
Minou fais tes valises et les miennes aussi,
Nous quittons le Larzac pour le paradis.
J'ai trouvé le loft dont tu rêvais tant,
Aux pieds de Notre Dame à crédit sur cent ans.
Le premier médecin était à 25km,
Le premier défibrillateur à 35km,
Le premier hôpital à 120km,
Le dernier cimetière était complet.
Elle est pas belle la vie pour le dernier des hippies ?
La main dans la main avec le dernier Parisien.
Elle est pas belle la vie pour le dernier des hippies ?
La main dans la main avec le dernier terrien.
Elle est pas belle la vie pour le dernier des hippies ?
La main dans la main avec le dernier Tibétain.
Elle est pas belle la vie pour le dernier des hippies ?
La main dans la main avec le dernier lémurien.
La main dans la main avec le dernier pangolin.
La main dans la main avec le dernier vaurien.
La main dans la main avec le dernier gamin.